La cérémonie de remise du trophée n’avait pas débuté à Moscou que les journalistes composaient l’agenda des nouveaux héros à leur retour au pays. Déjà s’organisait la haie d’honneur tous drapeaux (et smartphones) brandis et le passage par le triptyque Roissy-Champs-Elysée. Vingt ans après, on reverrait donc la foule porter les vainqueurs de leur descente d’avion au perron du château présidentiel.

Ou presque. Du bus à impérial, les supporteurs furent tenus à bonne distance. Deux décennies ont passé et avec elles le renforcement drastique des mesures de sécurité. Aux images d’un car fendant la foule comme un brise-glace ont succédé celle d’un véhicule protégé par un impressionnant cordon de sécurité (2 000 policiers et gendarmes mobilisés). Agglutinés contre les barrières pendant plusieurs heures pour assister à la procession, les centaines de milliers de curieux n’ont eu droit qu’au passage éclair de leurs nouvelles idoles.

Un petit quart d’heure. Les hommes de Didier Deschamps ont avalé les deux kilomètres séparant l’Arc de triomphe de la place de la Concorde en moins de temps qu’il n’en faut souvent aux automobilistes. En 1998, deux heures et toute la dextérité du chauffeur avaient permis de traverser l’artère.

Le suivi de la pléiade de comptes des vainqueurs sur les réseaux sociaux s’est finalement révélé le meilleur moyen de « vivre » leur défilé. Déçus par la percée fugace de la petite troupe après des heures d’attente sous la chaleur, de nombreux spectateurs n’ont pas manqué d’exprimer leur colère, sur les plates-formes numériques si sollicitées par les joueurs français pendant leur campagne russe.

Rendez-vous manqué au Crillon

Après leur escale à l’Elysée, où les attendaient des milliers de jeunes invités pas la présidence, les Bleus se sont une nouvelle fois attirés les foudres des fans qui ne rêvaient que d’un moment avec Pogba et consorts. Ce dernier rendez-vous a longtemps été fixé au balcon de l’hôtel Crillon, qui donne sur la Concorde. Là où leurs prédécesseurs de 1998 (et ceux, vice-champions, de 2006) s’étaient penchés une ultime fois au-dessus de la foule.

Comme un pied de nez supplémentaire à ceux qui promettaient un copier-coller des festivités de la première étoile, les vedettes ont boudé la rambarde du prestigieux hôtel. D’un tweet, le compte officiel de l’Equipe de France a fait savoir qu’aucune sortie n’était prévue après l’Elysée, où ses ouailles ont dîné. Ne restait plus au chef cuisiner du Crillon à remiser les mets préparés pour l’équipe - dont, selon Franceinfo, un gâteau en ballon de football - , et aux spectateurs encore présents de quitter les lieux. Non sans tension.

Au-delà de la déception légitime générée par un programme sur lequel les principaux acteurs n’avaient pas la main, la différence est criante entre la célébration des nouveaux champions du monde et les images parvenues de leurs victimes en Russie. Belges puis Croates ont fêté le retour de leurs héros malheureux lors d’événements tenant bien plus de la communion que du salut fuyant parisien. La faute sans doute aux lieux choisis (des places dans les capitales respectives), plus aisés à sécuriser et propices à l’échange avec les joueurs.

Alors que le groupe tricolore ne manque pas d’« ambianceurs » (Pogba, Mendy, Kimpembe, Matuidi), les moments de partage auront finalement été circonscrits aux jardins de l’Elysée et aux « stories » déclinées sur les réseaux sociaux. Trop peu pour qui rêvait d’images et de souvenirs impérissables. Ceux de 2018 survivront difficilement à vingt ans de disette.