La malédiction du tenant du titre ou de l’équipe mexicaine, en passant par l’élimination précoce des favoris, la place des défenseurs français redoutables finisseurs, ou encore la maîtrise du temps additionnel ou des cartons jaunes… retour sur les dix enseignements d’après Coupe du monde 2018.

Collectionneur de ballons dorés, le trophée ultime tu ne toucheras

Pour Cristiano Ronaldo et Lionel Messi, c’était sans doute la dernière occasion de remporter un titre mondial. A 33 ans et 31 ans, les deux vainqueurs des dix derniers Ballons d’or n’ont pas pu emmener leur sélection respective au-delà des huitièmes de finale de la Coupe du monde, et ils ne verront probablement plus jamais cette opportunité se reproduire. Le Portugal a été battu par l’Uruguay (2-1), et l’Argentine par la France (4-3).

Le Portugais pourra se consoler avec l’Euro remporté il y a deux ans en France. En revanche, pour Messi, à moins d’une surprenante victoire lors de la prochaine Copa America en 2019, son palmarès restera vierge dans les deux principales compétitions internationales. Et sa médaille d’or olympique obtenue en 2008 (compétition mineure en football) ne suffira probablement pas à le consoler.

Tenant du titre, au premier tour tu t’arrêteras

Les Français sont avertis. S’ils parviennent à se qualifier pour la prochaine Coupe du monde, dans quatre ans au Qatar, ils devront faire très attention lors de la phase de poules. Sur les cinq derniers vainqueurs, quatre (France, Italie, Espagne et Allemagne) n’ont pas passé le premier tour lors de l’édition suivant leur sacre. Dans l’histoire de la Coupe du monde, ils sont six dans cette situation.

Au stade de Kazan, le 27 juin. / SAEED KHAN / AFP

Une « malédiction des tenants du titre » qui s’explique notamment par la difficulté à renouveler un effectif champion du monde quatre ans plus tôt, et aussi par la difficulté à remobiliser des groupes qui ont parfois tout gagné. C’est sur ce point que Didier Deschamps ou son successeur devront appuyer au Qatar. Car en matière d’effectif, nombre des champions du monde 2018 devraient arriver à maturité dans quatre ans. De quoi faire naître des rêves de dynastie chez certains.

Défenseur français, des buts décisifs tu marqueras

Dans un Mondial où le système Deschamps aura moins brillé par ses éclats offensifs que par un solide alliage de rigueur et de solidarité, les défenseurs se sont mués en redoutables finisseurs. Pavard, Varane, Umtiti : les trois arrières tricolores ont, dans cet ordre, offert à leur bande le droit de passer un tour supplémentaire en phase finale, jusqu’au triomphe face aux Croates.

En huitièmes de finale contre l’Argentine, Pavard a permis à la France d’égaliser sur une volée de l’extérieur de la surface, aussi spontanée qu’imparable. Avec ce but, le Nordiste a mis fin à l’unique période où les Bleus ont été menés au score dans le tournoi. Neuf minutes. Dans la foulée du latéral de Stuttgart, Varane (en quart de finale), puis Umtiti (en demi-finale) ont rejoint les Marius Trésor et Lilian Thuram parmi les défenseurs-sauveurs en Coupe du monde.

A deux jours du coup d’envoi, ton coach tu garderas

Comment espérer réussir un Mondial en se privant, à deux jours du coup d’envoi, du coach parvenu à faire d’un groupe, pourtant riche en antagonismes, une machine à cartons ? Fort de deux ans d’invincibilité à la tête de la sélection espagnole, Julen Lopetegui a vu sa cote exploser et le Real Madrid lui faire les yeux doux, après le départ inattendu de Zinédine Zidane.

Son arrivée sur le banc du triple tenant de la Ligue des champions, négociée dans le dos de la fédération, n’a pas été du goût de son futur ex-employeur. Licencié à quarante-huit heures de l’entrée en lice de la Roja contre le Portugal, Lopetegui a cédé sa place à son directeur sportif, Fernando Hierro. L’ancien défenseur ne fera pas de miracle : entre fébrilités défensives et possession stérile, l’Espagne a buté contre la Russie et pris la porte dès les huitièmes.

A domicile, ton Mondial tu réussiras

Beaucoup prédisaient une élimination dès le premier tour de la sélection hôte, la Russie, pourtant versée dans une poule guère terrifiante (Uruguay, Arabie saoudite, Egypte). C’était sans compter sur la sublimation du groupe de Stanislav Tchertchessov, coach de poigne devenu l’un des héros de la campagne historique des Russes.

Moscou, 14 juin 2018. / MAXIM SHEMETOV / REUTERS

Après avoir fait exploser les Saoudiens en match d’ouverture (5-0), Aleksandr Golovin et consorts se sont qualifiés pour la phase finale, où ils ont fait craquer les Espagnols. Archidominés et privés de ballon, les Russes ont renvoyé chez elle la bande à Ramos, au bout des tirs au but. Là même où ils chuteront, en quarts, contre la Croatie. Jamais la Russie n’avait passé les poules en Mondial depuis la fin de l’Union soviétique. Les joueurs pourront se targuer d’un autre exploit : avoir fait tomber les critiques sur Vladimir Poutine, coupable d’avoir boudé les matchs de ses protégés.

Dans le temps additionnel, l’horloge tu contrôleras

Si la maîtrise du temps était un art, les Japonais n’en seraient assurément pas les virtuoses. Les Nippons avaient réussi à dompter les minutes au premier tour. Japon et Sénégal s’étaient retrouvés à égalité parfaite (points, différence, buts inscrits et encaissés), se disputant le ticket pour le tour suivant au nombre de cartons jaunes. Moins sanctionnés que leurs adversaires, les Samouraïs bleus ont sécurisé leur qualification en infligeant aux spectateurs de leur dernier match contre la Pologne « une passe » interminables de dix minutes.

Au tour suivant, les Japonais n’ont pas fait preuve du même contrôle de l’horloge. Huitièmes de finale. Alors que le temps additionnel débutait contre la Belgique et que les deux équipes se dirigeaient tout droit vers les prolongations, les coéquipiers de Hiroki Sakai se sont rués sur l’attaque. De quoi ouvrir des boulevards aux Diables rouges : après une récupération de son gardien, la Belgique a lancé une attaque éclaire, conclue par Chadli (3-2).

Sur le banc de l’adversaire, le tournoi tu quitteras

Le football aime les images, et celle du « traître » est souvent brandie au gré des changements d’employeurs. Quand bon nombre de bancs étaient occupés pas des sélectionneurs étrangers lors du Mondial, un passage chez l’ennemi a particulièrement fait jaser : Thierry Henry sous le maillot belge. L’ancien attaquant des Bleus est depuis 2016 l’entraîneur adjoint de la nation voisine.

Au stade de Saint-Pétersbourg, le 10 juillet. / David Vincent / AP

Du questionnement de l’apport de l’ancien Gunner chez les Diables rouges à la remise en cause de son attachement passé pour son (ancien) maillot bleu : les jours qui ont précédé la demi-finale entre la France et la Belgique n’ont pas manqué d’analyses, certaines douteuses. C’était là sans doute le seul motif de satisfaction de Thierry Henry après la défaite contre les hommes de Deschamps : mettre fin au procès en trahison.

Une minute supplémentaire, sur le terrain tu resteras

Presque une minute de plus d’une Coupe du monde à une autre. Le temps additionnel a explosé entre 2014 et 2018, passant d’un peu plus de quatre minutes à cinq lors de la dernière édition. Parmi les responsables de ces soixante secondes supplémentaires, l’arrivée de l’assistance vidéo à l’arbitrage (VAR) — utilisée à vingt reprises lors du tournoi — qui « en multipliant les arrêts de jeu, a contribué à augmenter la durée du temps additionnel ». Reste que même cette minute supplémentaire ne permet pas de récupérer tout le temps perdu.

Aux cartons jaunes, la qualification tu obtiendras

Le Sénégal a été le premier pays à être éliminé de la Coupe du monde aux cartons jaunes. Après leur défaite contre la Colombie en phase de poules, les Sénégalais avaient deux cartons jaunes de plus que les Japonais, défaits par les Polonais dans le même temps. C’est ce qui a départagé leur égalité parfaite (quatre points, quatre buts marqués, quatre buts encaissés et un match nul (2-2) lors de leur confrontation directe). La décision, une première dans l’histoire de la compétition, peut paraître cruelle, mais elle est conforme au nouveau règlement de la FIFA.

En huitièmes de finale, toujours tu t’inclineras

« On a joué comme jamais et on a perdu comme toujours. » Le dicton continuera de définir le football mexicain. Pour la septième fois d’affilée, El Tri a passé le premier tour de la compétition pour atteindre les huitièmes de finale. Et pour la septième fois, les Mexicains se sont fait éliminer à ce stade. Cette fois par le Brésil (2-0).

Entrée du stade Loujniki de Moscou, le 15 juillet. / Dmitri Lovetsky / AP

Les Mexicains, exténués physiquement et mentalement après avoir battu les Allemands et s’être qualifiés grâce à une défaite de la Mannschaft contre la Corée du Sud, pourront réfléchir encore quatre ans sur cette « malédiction du cinquième match » qui les poursuit.