A Parthenay, on vit au rythme du jeu pendant douze jours

Sur son stand, Romane Portier n’a pas un moment de relâche. D’un jeu de construction stratégique sur la mythologie grecque, elle passe à une enquête visant à démasquer un mystérieux tueur en série. Dans la rue avoisinante, un Pac-Man humain tente d’échapper à des fantômes. Ça ne dérange pas Jean-Paul et Françoise Cordier, bien décidés à tester le plus de jeux possibles avant de rentrer chez eux, à La Rochelle. S’ils passent par le stand de l’éditeur Haba, ils pourront compter sur les conseils d’Arthur Sacriste, étudiant en droit de 19 ans descendu spécialement de Paris pour son emploi saisonnier favori. Ici, pendant douze jours, il devient animateur : « Le job d’été le plus cool du monde. »

Cet endroit où des jeux pullulent dans des rues noires de monde, où les enfants arborent sur leurs casquettes des petits monstres appelés « Wuppies », où l’on peut enchaîner une partie de Loups-Garous, un challenge sur Just Dance, une séance de tir à l’arc et un blind test pour connaisseur, c’est Parthenay, dans les Deux-Sèvres (79), où se tient du 11 au 22 juillet le Festival ludique international de Parthenay (FLIP).

Pour sa première édition, en 1986, cet événement attirait 25 000 visiteurs. A l’époque, la ville des Deux-Sèvres comptait environ 11 000 habitants. Aujourd’hui, elle en dénombre un peu moins mais le FLIP, lui, a vu son affluence exploser. En 2017, environ 380 000 personnes ont parcouru les allées de la ville pendant les douze jours de l’événement. Parmi eux, au moins 170 000 ont pris part à l’un des jeux proposés. Dans le monde, aucun festival ludique à ciel ouvert ne fait mieux.

Soixante règles du jeu à apprendre

Il faut dire que la communauté de communes de Parthenay-Gâtine est un cas à part. Elle est la seule en France à disposer d’un service entièrement consacré au jeu, dont la principale tâche est l’organisation du FLIP. Trois agents permanents se consacrent au festival toute l’année. Et quand le mois de juillet arrive, ce sont 400 personnes qui sont en première ligne, staff et intervenants extérieurs inclus.

Parmi eux, 93 animateurs sont choisis méticuleusement après deux entretiens et une formation rémunérée. Certains apprennent jusqu’à 60 règles de jeu différentes, et doivent ensuite les faire découvrir au public.

Au-delà des intervenants engagés sur le festival, c’est en fait toute une ville qui fait sa mue durant cette première quinzaine de juillet. Commerçants, restaurateurs, habitants… Tout le monde met la main à la pâte pour transformer Parthenay en un véritable plateau de jeu géant. Un investissement plus que rentable selon Etienne Delorme, coordinateur du FLIP : « On sait par exemple que certains restaurateurs font entre deux et trois mois de chiffre d’affaires en l’espace de quinze jours, explique-t-il pendant l’une des rares pauses qu’il parvient à s’octroyer dans ces journées agitées. On sait aussi que dans un rayon de plus de 50 kilomètres il n’y a plus aucun hébergement disponible. C’est un événement qui fait vivre le territoire. »

Cartes Pokémon et paintball

Aujourd’hui, le budget alloué à l’événement avoisine les 500 000 euros, pour environ 250 000 euros de recettes liées à la publicité, à la location d’espaces pour les exposants et les vendeurs, aux partenariats privés et aux produits dérivés. « L’avantage de l’organisation par un service public, c’est qu’on pense davantage à la viabilité qu’à la rentabilité, poursuit M. Delorme. Il faut aussi noter que si un événement de cette envergure était monté par un organisateur privé, les coûts seraient bien plus importants. A Parthenay, on a la chance d’avoir accès à des infrastructures déjà installées comme le palais des congrès, et on peut compter sur l’appui de 25 services communautaires et municipaux différents qui nous accompagnent gratuitement pour l’installation et la manutention. C’est un immense avantage. »

Des moyens qui permettent au FLIP d’offrir une importante palette de styles de jeux et jouets : cartes Pokémon devant la mairie, jeux vidéo dans le palais des congrès, jeux de société, jeux sportifs, paintball… Sans compter les nombreuses associations venues de tout le pays et animer les 30 000 m2 couverts par l’événement. Et ça fonctionne. Si un peu plus de la moitié des visiteurs provient de la région Nouvelle-Aquitaine, l’autre partie se déplace de toute la France, voire de l’étranger pour participer au FLIP. Dans les rues de Parthenay, on parle français bien sûr, mais aussi anglais, espagnol, portugais, allemand…

Public familial et experts

Cette affluence offre une formidable vitrine aux éditeurs de jeux. Animateur pour l’éditeur Cocktail Games, Wilfrid Bourdin confie que l’expérience est « vraiment physique », mais que son entreprise en tire un vrai bénéfice.

« On a la possibilité de recueillir à la fois l’avis d’un public familial et celui d’experts confirmés. C’est aussi l’occasion de rencontrer des créateurs indépendants qui viennent nous présenter leurs dernières créations. »

Et si la mayonnaise prend, les plus talentueux peuvent même prétendre à l’un des deux trophées délivrés par le FLIP. Vingt éditeurs et 16 créateurs sont nommés pour ces récompenses, qui offrent aux lauréats un prestige supplémentaire, vu l’aura du festival au niveau international.

Une fois le festival terminé, les animateurs reprendront leurs activités ou partiront en vacances. Les éditeurs pourront approfondir les projets découverts pendant le festival, et pourquoi pas, les financer. Les installations seront rangées, attendant leur heure pour investir de nouveau les rues de la « Petite Carcassonne de l’Ouest ». Enfin, Etienne Delorme et ses équipes pourront s’accorder une véritable pause pendant le mois d’août. En septembre, il faudra déjà commencer à penser l’édition de l’année prochaine, qui accueillera peut-être plus de « visi-joueurs » encore. En somme, retour à la case départ.