Place Maillot à Paris, en janvier 2017. / GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Petite devinette. Qu’est-ce qui existe « en version cuir pour les personnes chics », « en couleur fluo pour les sportifs », « avec des modèles ludiques en forme d’animaux pour les enfants » ? Le nouveau maillot de bain tendance de l’été ? Mauvaise pioche. La dernière chemisette à enfiler à l’heure de l’apéro ? Encore raté. Un indice : ils promettent à leur possesseur de les « protéger efficacement »… de la pollution. Tapez « masque » et « pollution » sur un moteur de recherche et une ribambelle de modèles apparaissent à l’écran. Le « N°1 des ventes » sur le plus grand site de commerce en ligne s’affiche à 13,99 euros. Pour cette modique somme, il garantie une protection contre les gaz, les odeurs, le pollen, la fumée, les virus, les bactéries et « toutes les particules fines ».

Mais ces masques dits antipollution, dont s’affublent notamment de plus en plus de cyclistes dans les grandes agglomérations, sont-ils réellement efficaces ? Pas vraiment, si on en croit l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Dans un avis rendu mercredi 18 juillet, l’Anses estime que les données sont insuffisantes pour attester d’un bénéfice sanitaire et recommander leur utilisation.

215 produits

L’agence avait été saisie en septembre 2015 par les ministères de la santé et du travail afin de mener une évaluation sur leur efficacité et l’intérêt d’en recommander l’usage. Une étude de marché, réalisée en 2016, a identifié pas moins de 215 produits revendiquant une efficacité en matière de protection contre la pollution de l’air. Le marché français est relativement restreint avec un chiffre d’affaires compris entre 135 000 et 150 000 euros en 2015, pour environ 20 000 unités vendues.

Les cibles principales de ces produits sont les cyclistes ou usagers de deux roues motorisés, les populations sensibles (personnes âgées ou allergiques, enfants, femmes enceintes) ainsi que les voyageurs ou expatriés dans des zones géographiques fortement polluées.

L’efficacité d’un masque dépend de sa conception, des performances du filtre dont il est équipé et d’autres paramètres tels que son adaptation à la morphologie de l’utilisateur. Or, note l’Anses, si l’efficacité d’un masque testé en laboratoire peut s’avérer élevée, elle ne reflète pas pour autant l’efficacité en conditions réelles d’utilisation. Celle-ci peut diminuer ou être annulée du fait d’un simple mauvais ajustement au visage (enfant, présence de barbe…). Elle peut aussi être annihilée par un manque d’entretien, une activité physique intense susceptible d’augmenter le débit respiratoire, ou l’absence d’information et de formation sur les conditions d’utilisation, de stockage ou de renouvellement.

« Surexposition »

Autre biais relevé par l’expertise de l’Anses, la plupart des masques revendiquent des technologies de filtrations visant les particules, jusqu’aux ultra-fines (de l’ordre du nanomètre de diamètre) pour les modèles les plus chers. Or, la pollution de l’air, rappelle le rapport, se caractérise par un mélange complexe de particules et de gaz, comme les très toxiques oxydes d’azote émis par les véhicules diesel. Ces masques ne protègent donc pas contre les nombreuses substances présentes dans l’air à l’état gazeux.

Les experts de l’Anses ont également épluché la littérature scientifique. Et là aussi, ils n’ont trouvé « aucune donnée » permettant de conclure sur un bénéfice potentiel du port de masque en conditions réelles d’utilisation. Ils estiment même qu’il pourrait donner un « faux sentiment de protection » chez l’utilisateur et entraîner des comportements conduisant à une « surexposition ». Ainsi, un cycliste masqué pédalant sur un axe à fort trafic pourrait être plus exposé à la pollution qu’un cycliste à visage découvert privilégiant un trajet moins fréquenté.

Au final, l’Anses ne recommande pas aux pouvoirs publics d’encourager le port du masque mais d’agir en priorité à la source en réduisant les émissions de polluants, responsables chaque année de 48 000 morts prématurées en France.