Edouard Philippe répond aux questions des sénateurs sur l'affaire Benalla, le 19 juillet. / Julien Daniel / Myop pour Le Monde

Après les révélations du Monde, mercredi 18 juillet, l’exécutif a essayé toute la journée de se défendre au sujet d’Alexandre Benalla, chargé de mission à l’Elysée, qui a frappé un manifestant le 1er mai. Une communication de crise qui s’est déroulée sous la pression de l’opposition et sans l’aide d’Emmanuel Macron, mutique sur le sujet toute la journée.

En déplacement en Dordogne, où il présentait les nouveaux timbres à l’effigie de Marianne, Emmanuel Macron a esquivé les questions sur l’affaire. A un journaliste qui lui demandait si l’affaire entachait la République, le chef de l’Etat a simplement répliqué que la République demeurait « inaltérable ». Toute la journée, le chef de l’Etat a balayé les questions en répondant un peu plus tard : « Je ne suis pas venu pour vous voir. Je suis venu voir M. le maire. » Des réponses laconiques qui ont laissé ses troupes dans l’embarras.

Dès 9 heures ce matin, le porte-parole de l’Elysée, Bruno Roger-Petit, a été envoyé au front pour tenter d’éteindre l’incendie. Pour sa première déclaration publique officielle, il a confirmé que le chargé de mission violent avait été sanctionné en mai sans être définitivement écarté de l’Elysée. « M. Benalla a été mis à pied pendant quinze jours avec suspension de salaire. Il a été démis de ses fonctions en matière d’organisation de la sécurité des déplacements du président, a précisé l’ancien journaliste lors d’une brève allocution, évoquant « la sanction la plus grave jamais prononcée contre un chargé de mission travaillant à l’Elysée ».

« Exemplarité et intégrité »

Répondant aux questions des sénateurs dans l’après-midi, Edouard Philippe a entamé son intervention en qualifiant les vidéos montrant Alexandre Benalla d’« images particulièrement choquantes ». « J’ai toujours témoigné mon soutien aux forces de l’ordre. C’est pour cette raison que je ne peux pas admettre que certains viennent, par leur comportement, jeter le doute sur l’exemplarité et l’intégrité des forces de l’ordre », a déclaré le premier ministre chahuté par les parlementaires de l’opposition.

Le chef du gouvernement a rappelé que le parquet de Paris a ouvert jeudi matin une enquête préliminaire pour « violences par personne chargée d’une mission de service public », « usurpation de fonctions » et « usurpation de signes réservés à l’autorité publique », à l’encontre d’Alexandre Benalla. « L’affaire est désormais aux mains de la justice, et c’est très bien ainsi, a lancé Edouard Philippe aux sénateurs. « Un certain nombre de questions ne manqueront pas d’être posées. Nous souhaitons que cette enquête permette d’éclairer des faits précis (…) et nous saurons tirer toutes les conclusions sur cette enquête. »

En parallèle de l’enquête ouverte par le parquet de Paris, le ministre de l’intérieur, Gérard Colomb, a annoncé avoir saisi l’inspection générale de la police nationale (IGPN). « Le rapport de l’IGPN sera rendu public », a-t-il précisé, tout en condamnant « sans ambiguïté un acte inadmissible ».  

« Personne n’est protégé »

Le secrétaire d’Etat chargé des relations avec le parlement, Christophe Castaner, a lui aussi réprouvé l’attitude de M. Benalla. « Personne n’est protégé dans ce pays, quel que soit son statut », a annoncé sur CNews celui qui est aussi le délégué général de La République en marche (LRM). A ce titre, M. Castaner a dû se justifier au sujet de Vincent Crase aperçu sur les images du 1er mai et employé de LRM. « Ma condamnation morale ne suffit pas pour justifier un licenciement », a-t-il lancé avant d’ajouter qu’« il n’y aura aucun obstacle à ce que la justice puisse faire son travail. S’il y a des faits avérés, il y aura sanction judiciaire ».

Obligé de défendre l’Elysée, tout en condamnant le comportement d’Alexandre Benalla, les membres du gouvernement avancent sur une ligne de crête. Une situation de crise qui a engendré quelques cafouillages au niveau de la comunication. Alors qu’elle participait à un débat sur la réforme constitutionnelle à l’Assemblée nationale, la ministre de la justice, Nicole Belloubet, n’a pu éviter d’être interrogée par les députés sur l’affaire Benalla. La garde des sceaux a parlé de « gestes absolument inadaptés », pour évoquer le comportement du chargé de mission de l’Elysée le 1er mai. Avant de déclarer qu’il « était sur cette manifestation sans autorisation », en contradiction avec les propos de Bruno Roger-Petit. Le porte-parole de l’Elysée avait expliqué un peu plus tôt qu’Alexandre Benalla voulait participer à une intervention auprès de la préfecture de police pour voir comment se gérait une grande manifestation et qu’une autorisation avait été donnée par Patrick Strzoda, le directeur de cabinet d’Emmanuel Macron. Au Monde, M. Strzoda avait confirmé avoir donné cette autorisation.

La lettre du directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, Patrick Strzoda, à Alexandre Benalla

Le directeur de cabinet du président de la République

à Monsieur Alexandre Benalla, chargé de mission, adjoint au chef de cabinet, présidence de la République

Paris, le 3 mai 2018

Monsieur,

J’ai été informé de votre participation aux opérations de maintien de l’ordre, aux côtés des effectifs de la préfecture de police, lors des manifestations qui se sont déroulées à Paris le 1er mai dernier.

Votre initiative ne peut en aucune manière se rattacher à la mission qui vous a été confiée au sein des services de la présidence de la République.

A cette occasion, vous avez eu un comportement manifestement inapproprié.

Votre comportement a porté atteinte à l’exemplarité qui est attendue, en toutes circonstances, des agents de la présidence de la République.

En conséquence, j’ai décidé de vous suspendre de vos fonctions, à compter du 4 mai 2018, pour une durée de quinze jours.

Vous reprendrez vos fonctions le 19 mai 2018.

Je vous invite à tirer toutes les conséquences de ces incidents et de faire preuve, à l’avenir, d’un comportement exemplaire.

A défaut, je mettrai fin définitivement à votre collaboration au sein des services de la présidence de la République.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de ma considération distinguée.

Patrick Strzoda

Notifié le jeudi 3 mai 2018, signature de l’agent [manuscrit] lu et approuvé, et signature