Lors des résultats du bac 2014 à la Réunion. / RICHARD BOUHET / AFP

Quel sort a été réservé aux bacheliers professionnels à l’entrée de l’enseignement supérieur sur Parcoursup ? La question est sensible, alors que l’attente se prolonge pour plusieurs milliers de candidats, sur la nouvelle plate-forme d’admission à l’enseignement supérieur, accusée par ses détracteurs d’être source de discriminations. Assez pour que la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, soit interrogée sur la situation de ce public moins favorisé socialement, à l’Assemblée nationale, mardi 17 juillet.

Selon la ministre, les premiers indicateurs sont favorables : parmi les 103 000 lycéens inscrits sur Parcoursup qui ont obtenu un bac pro cette année, 63,2 % ont obtenu une réponse positive en BTS, contre 46 % l’an dernier, a-t-elle annoncé. Elle y voit un signe du succès de sa politique des quotas de bacheliers pro en BTS.

Pour l’organisation étudiante Fage, ce sont cependant les bacheliers professionnels et technologiques qui se retrouvent aujourd’hui le « plus en difficulté » sur Parcoursup, après avoir reçu des refus des filières sélectives (BTS, DUT), a estimé son président Jimmy Losfeld, mercredi 18 juillet sur France Info, au vu des retours de candidats malheureux reçus sur la plate-forme SOS-parcoursup, montée par la Fage.

Un brin d’amertume

Satisfaits, en attente, recalés… Les bacheliers pro rencontrent toute la palette de situations des candidats à l’enseignement supérieur. Avec une différence néanmoins : ils s’y sentaient moins attendus que d’autres. « On m’a dit que c’était impossible, que les portes étaient fermées pour les bacs pro, particulièrement en DUT », témoigne ainsi Allan, 19 ans, élève au lycée polyvalent Etienne-Oehmichen (Châlons-en-Champagne), désormais titulaire d’un bac pro en logistique. C’est donc une petite « fierté personnelle » d’avoir décroché une place en DUT, avant de choisir finalement de rejoindre un BTS en transport logistique.

Un destin qu’aurait aimé avoir Mélissa, 18 ans, du lycée Ahun (Creuse), recalée des BTS en économie sociale et familiale qu’elle demandait à Limoges et Ussel. « On est nombreuses dans ma classe à y avoir été refusées alors qu’on nous avait dit qu’on avait nos chances… on sait que les élèves de filières générales ont été privilégiés », lâche-t-elle, avec un brin d’amertume envers ses enseignants. La jeune fille envisage finalement de travailler comme agent de service hospitalier, avant de tenter de rejoindre des études en soins infirmiers.

« En queue de peloton »

La demande en BTS a explosé cette année sur Parcoursup, avec +27 % de vœux de la part des élèves de voie professionnelle, mais aussi chez les lycéens généraux (+47 %). Difficile de savoir si les 2 000 places supplémentaires annoncées par le gouvernement et les 1 700 places en parcours « Passerelle » en BTS (année de mise à niveau) permettront de répondre à la demande. Ce dernier s’est engagé à ouvrir toutes les places nécessaires dans l’enseignement supérieur, mais certains universitaires s’inquiètent déjà de voir les bacheliers professionnels atterrir par défaut à la fac, en fin de procédure, comme les années précédentes, alors que leurs taux de réussite y sont extrêmement faibles (moins de 5 %).

Le message de mise en garde aux bacheliers pro tentés par l’université – filière qu’ils plébiscitent très peu – semble en tout cas avoir été entendu. L’université Paris-XIII a constaté une « nette diminution » de leurs candidatures sur l’ensemble des licences, indique Olivier Oudar, vice-président Formation. D’une université à l’autre, on le reconnaît aussi sans ambages : dans les classements des candidats opérés par chaque licence pour la première fois sur la base de leurs dossiers scolaires, « les bacheliers pro sont en queue de peloton », relève-t-il. Ce qui a pour conséquence qu’ils s’y voient proposer une place plus tardivement que les bacheliers des autres filières, à condition que la licence remonte assez loin dans la liste d’attente des candidats.

Le nouveau système n’a néanmoins pas empêché certains « bacs pro » d’obtenir une place en faculté. Au lycée polyvalent Oehmichen à Châlons-en-Champagne, Philippe Stoecklin, enseignant de français et histoire-géo, a ainsi accompagné l’un de ses élèves de terminale, qui a été accepté en sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) après seulement quelques jours d’attente sur Parcoursup, alors que la filière est extrêmement demandée. « Avec la nouvelle procédure, ce lycéen a vraiment pu montrer qu’il en voulait », salue l’enseignant, qui a dû commencer par convaincre ses collègues d’émettre un avis favorable lors du conseil de classe. « Quand on vient d’un bac pro, on est outsider, mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas y arriver », défend l’enseignant, lui-même issu d’un bac pro.