Le fiasco de l’installation des nouveaux Vélib’, à Paris, qui n’en finit pas de durer depuis le début de l’année. / Charles Platiau / REUTERS

Des trottinettes, des voitures, des vélos, des scooters… quel éclectisme ! Jeudi 19 juillet, l’adjoint aux transports de la Mairie de Paris, Christophe Najdovski (EELV), a présenté les véhicules en libre-service qui sont déjà ou seront bientôt proposés aux habitants et usagers de la capitale.

Le déploiement de cette panoplie de moyens de transport cherche à faire oublier la fin brutale du service Autolib’, prévue pour le 31 juillet, et le fiasco de l’installation des nouveaux Vélib’, qui n’en finit pas de durer depuis le début de l’année.

Pendant ce temps, dans la nuit du mardi 17 au mercredi 18 juillet, l’opérateur JCDecaux, éconduit à Paris mais toujours titulaire du marché à Lyon, réussissait un coup de maître. Dans les 350 stations en libre-service que comptent les villes de Lyon et de Villeurbanne, l’intégralité des 4 000 Vélo’v a été remplacée. Les nouveaux modèles, installés en quelques heures à peine, sont plus légers, connectés et bientôt dotés d’une assistance électrique.

Le contraste entre ce succès lyonnais et le marasme parisien est cruel. Certes, à Lyon, le publicitaire JCDecaux s’était engagé à changer les vélos, et seulement les vélos, tandis qu’à Paris, l’opérateur Smovengo, une entreprise de la galaxie Mulliez, doit remplacer également les points d’accroche, dites « bornettes », ainsi que l’ensemble des stations.

Les innovations du Vélo’v deuxième génération font par ailleurs apparaître, en creux, l’insuffisance du système Vélib’. On peut ainsi louer, à Lyon, un vélo pour une longue durée, comme le proposent les services Velhop, Métrovélo ou bientôt Bicloo, respectivement à Strasbourg, à Grenoble et Nantes. En outre, le déploiement dans vingt et une communes du Grand Lyon est prévu d’ici à 2020.

L’existence d’un marché potentiel

La mutation du service lyonnais, ainsi que la prolifération des start-up à Paris ou dans d’autres grandes villes, apparaissent comme des rayons de soleil dans le ciel de « l’économie du partage ». Voici une petite dizaine d’années, les prospectivistes du secteur des transports affirmaient que l’avenir n’était plus à la possession du véhicule, mais à la location ponctuelle, à l’emprunt au gré des besoins.

Vélib’ et Autolib’, avec respectivement environ 14 000 vélos et 4 000 voitures, ont longtemps constitué les plus grands systèmes en service. Compte tenu des dysfonctionnements à Paris, le secteur du partage de véhicules pourrait aujourd’hui sembler menacé.

En réalité, le sort de cette pratique dépend de nombreux paramètres, à commencer par l’existence d’un marché potentiel. Or, il est énorme. Dans les grandes villes, une part très importante de la population, 64 % à Paris, 38 % à Lyon, 37 % à Strasbourg, 35 % à Bordeaux, etc., ne possède pas de voiture. Cette proportion est moindre, mais toutefois significative, autour de 20 %-25 %, dans les villes moyennes.

On peut donc dénombrer des millions de personnes susceptibles de recourir de temps en temps à la location de voiture, ou à l’autopartage de manière régulière. De même, dans les villes denses, le manque d’espace ne permet pas toujours aux citadins de posséder leur propre vélo ou leur propre scooter. Le libre-service est donc une solution pour eux.

Impact pour les usagers et la collectivité

Mais l’existence d’un marché ne suffit pas pour que le service soit mis en place, et encore moins pour qu’il remplisse sa fonction, sans même parler d’être rentable. Rappelons au passage qu’aucun mode de transport, train, vélo, voiture, avion, ne rapporte d’argent aux pouvoirs publics ; au contraire, cela coûte cher, soit directement, soit indirectement, par le biais des infrastructures, de l’occupation d’espace, des accidents ou encore de la pollution.

Le partage de véhicules n’a de sens, à l’échelle d’une ville, que s’il contribue à réduire ces externalités, et à limiter le taux de possession de voitures individuelles. La viabilité du partage dépendra donc du type de service proposé, de son impact non seulement pour les usagers mais aussi pour la collectivité ou encore de l’engagement des entreprises concernées.

Enfin il faut considérer des détails qui semblent accessoires mais modifient totalement l’usage d’un service, comme le fait de rapporter une voiture (ou un vélo) à la même station ou de le rendre à un autre endroit. Pour le dire autrement, il ne suffit pas qu’un service convienne parfaitement à certains usagers pour qu’il soit efficace.

Quoi qu’il en soit, comme le montrent les exemples lyonnais et parisiens, le partage de véhicules a un coût, il n’est jamais gratuit.

>> Pour en savoir plus, participez au tchat sur Le Monde.fr, jeudi 18 juillet, à 12 heures : « Après les déboires de Vélib et d’Autolib, l’économie du partage dans les transports est-elle remise en cause ? ».