Le premier ministre hongrois Viktor Orban, le 21 juin à Budapest. / Szilard Koszticsak / AP

La Commission européenne a été critiquée, ces derniers mois, pour avoir eu la main plus lourde avec Varsovie qu’avec Budapest, après qu’elle a décidé, en décembre 2017, de recommander le déclenchement de l’article 7 des traités de l’Union européenne (UE) contre le gouvernement polonais, censé sanctionner des manquements à l’Etat de droit.

Jeudi 19 juillet, Bruxelles s’est un peu rattrapée en annonçant coup sur coup, contre la Hongrie, un recours devant la Cour de justice de l’UE (CJUE), au Luxembourg, et l’envoi d’une lettre de mise en demeure. Dans son viseur : la politique antimigrants mise en œuvre depuis 2015 par le premier ministre, Viktor Orban, un des chantres européens de l’illibéralisme.

La Commission entend d’abord contester devant la CJUE la législation hongroise en matière d’asile, jugée non conforme au droit européen (directives sur les procédures d’asile, sur le retour des migrants, et relative aux conditions d’accueil).

Il s’agit de la dernière étape d’une procédure d’infraction lancée en décembre 2015. A l’époque, déjà, Bruxelles relevait les difficultés des migrants déboutés du droit d’asile en Hongrie à exercer leur droit à un recours effectif, ainsi qu’à accéder à un tribunal impartial.

La Hongrie s’est notoirement opposée, ces dernières années, à l’accueil des migrants, de même qu’à la répartition des demandeurs d’asile partout en Europe afin de soulager l’Italie et la Grèce, pays de première entrée de ces personnes dans l’Union. Budapest avait même contesté ces « relocalisations » devant la CJUE qui lui a donné tort en septembre 2017 (ainsi qu’à la Slovaquie, associée au recours hongrois).

Deux mois pour répondre

Jeudi, la Commission a aussi confirmé avoir envoyé une lettre de mise en demeure à la Hongrie, concernant une nouvelle législation, effective le 1er juillet, baptisée « Stop Soros », en référence au financier d’origine hongroise George Soros, devenu la bête noire de M. Orban. Elle érige en infractions pénales l’assistance offerte par les ONG ou des particuliers aux demandes d’asile et de séjour.

Par ailleurs, ce paquet législatif, associé à une modification constitutionnelle, conduit à limiter le droit d’asile « aux seules personnes qui arrivent en Hongrie directement depuis un lieu où leur vie ou leur liberté sont menacées », explique la Commission, qui y voit des manquements « aux obligations qui incombent [à la Hongrie] en vertu des traités de l’Union, de la législation de l’Union et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ».

Budapest a deux mois pour répondre à Bruxelles. Si la réponse n’est pas satisfaisante, la procédure d’infraction suivra son cours et pourra conduire, là aussi, à un recours devant la Cour de Luxembourg. Ces procédures prennent des années, mais prouvent la détermination de Bruxelles : « La Commission a envoyé un message clair et sans ambiguïtés, selon lequel les politiques hongroises xénophobes ne peuvent pas être tolérées », s’est félicitée Iverna McGowan, directrice du bureau européen d’Amnesty International.

Ces procédures pourraient compliquer les rapports de M. Orban avec le Parti populaire européen (PPE), la grande famille des droites conservatrices européennes, qui, jusqu’à présent, ferme les yeux sur ses agissements. Certains de ses dirigeants n’ont-ils pas récemment assuré que leur « ligne rouge » concernant le premier ministre hongrois, constituait son respect des décisions en dernière instance de la CJUE ?

En attendant, la Commission semble bien isolée. Car M. Orban a largement réussi à imposer sa feuille de route antimigrants au Conseil européen. Les propositions de la présidence actuelle de l’Union, l’Autriche, de ne plus envisager la migration que sous l’angle sécuritaire n’y choquent plus beaucoup de capitales.