Les fauteuils noirs de la salle Screen-X et 4DX du cinéma Pathé Beaugrenelle à Paris. / LAURENT CARPENTIER/« LE MONDE »

A eux seuls les 90 fauteuils noirs, raides, à mi-chemin entre le trône de Dark Vador et le siège du dentiste, avec repose-pieds, appui-tête, accoudoirs, suffiraient à vous donner la chair de poule. Est-ce bien une salle de cinéma que ce cube austère et gris, aux murs droits, où nous venons d’entrer ? Et l’on se prend de compassion pour la jeune adolescente qui, n’arrivant pas à maîtriser ses larmes, explique à son père : « Je ne peux pas », avant de rebrousser chemin.

Screen-X + 4DX, vantait le communiqué annonçant l’ouverture, mercredi 18 juillet, au Pathé Beaugrenelle (Paris 15e) de la deuxième salle au monde (après Séoul) combinant ces deux technologies. Soit une projection à 270° (Screen-X) et l’expérience de sièges endiablés (4DX) qui, synchronisés avec l’action projetée à l’écran, vous chahutent, vous bousculent, vous martèlent le dos, vous chauffent le cou (quand la fusée décolle par exemple) ou vous aspergent d’eau (quand le méchant crache sur le gentil ou que vous tombez à l’eau).

Litanie de précautions

Et il est vrai qu’à un moment donné, ce mercredi, à la séance de 20 heures, alors que l’on est venu découvrir, dans Ant-Man et la Guêpe, la suite des aventures de l’homme fourmi, on s’est demandé si on n’aurait pas dû – sauf à être un fondu de la foire du Trône –, faire demi-tour comme l’adolescente apeurée ? Trop tard. Déjà, tout bouge. L’image fuse sur les trois faces de la salle, vous êtes coincé au milieu d’une course-poursuite en voiture et, dès lors, il ne vous reste plus qu’une chose à faire : vous accrocher.

« Pour des raisons de sécurité, les femmes enceintes, les personnes âgées, ou présentant des problèmes cardiaques, dorsaux ou cervicaux ou présentant le mal des transports, sous traitement médical ou qui sont sous l’influence de l’alcool ou de drogues… ne peuvent pas prendre part à l’expérience », était-il écrit sur l’écran en préambule. « Ah merde, alors, je suis mort », a rigolé mon voisin de devant. Le public est jeune et plutôt masculin. Et la litanie des précautions est longue : « Ne portez pas de vêtements délicats ou d’articles qui peuvent être abîmés… Vous devez réduire vos déplacements et marcher le moins possible pendant le film… » Interdit aux plus petits, les enfants de moins de 1,20 m doivent être accompagnés… On était prévenus.

Rodéo immersif

Alors que l’homme-fourmi et ses acolytes traversent l’hyperespace en tous sens et démolissent des dizaines de bagnoles, le chahut infligé à nos corps n’empêchera pourtant pas le jeune couple (sièges D11-D10) de s’envoyer sans blêmir une pleine maxi boîte de pop-corn quand bien même le locataire du siège D12 (votre serviteur) cherche en vain où est rangé le sac à vomi.

Passé les premières turbulences, on finit par ranger dans notre poche notre amour froissé du cinéma d’auteur qui nous poussait à railler cette transformation du septième art en fête foraine, et l’obsolescence, sinon programmée du moins prévisible, de cette course effrénée à la technologie (cinéma en relief, 3D, Screen-X…) dans laquelle on percevait avant tout l’aspect mercantile (23 euros la place tout de même !). Car, avouons-le, on finit par se prendre au jeu de ce rodéo immersif.

Parce que c’est sans doute aussi ça le cinéma : une expérience physique, un train qui entre en gare et manque vous écraser, une illusion… Laquelle est aussi le sujet du film qui se joue sur l’écran. « I eat fear for breakfast » (« Je mange de la peur à mon petit-déjeuner »), explique à son père la fille de l’homme-fourmi… C’est sans doute plus compliqué à vivre pour nous, les cigales ?

Sur le Web : www.screenx.cinemaspathegaumont.com