Des militants La France Insoumise dans le quartier de La Viste, vendredi. / BERTRAND LANGLOIS / AFP

Des pinceaux, des rouleaux, des raclettes et trois cents litres de peinture. Il ne manque rien à la quarantaine de militants et d’élus marseillais de La France insoumise (LFI) et aux quelques habitants du quartier de La Viste (15e arrondissement) qui se sont joints à eux. Vendredi 20 juillet en début d’après-midi, s’est attaqué à un « chantier de rénovation » des espaces extérieurs du groupe scolaire de La Viste-Bousquet. Un chantier très politique.

Du IAM et du Keny Arkana, rappeurs locaux, dans la sono pour animer les travaux, des tranches de melons en libre-service et une motivation contagieuse pour cette action collective soutenue par le mouvement de Jean-Luc Mélenchon. Trois heures plus tard, une partie des murs lépreux et tagués de l’école maternelle de ce quartier de l’extrême nord de Marseille, brille d’un blanc lumineux. Les grilles, rouillées, sont repeintes en vert et le jardin a été nettoyé des détritus – matelas brûlé, ferrailles, tas de feuilles – qui le jonchaient.

Une action politique

Tee-shirt blanc maculé de peinture, masque de protection baissé, Sébastien Delogu apprécie le travail effectué. « Ça avance bien et demain, nous commencerons plus tôt et serons plus nombreux » prédit-il. Ce militant LFI, dont on repère régulièrement la haute silhouette derrière le député de la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône, Jean-Luc Mélenchon, a organisé le projet. Habitant du quartier, père de deux élèves scolarisés à La Viste-Bousquet, M. Delogu y voit « non pas une récupération, mais une action politique », « un passage de la réflexion à l’action ». « Ma fille entre au primaire et mon fils au CE1. Je ne peux accepter que leur premier contact avec l’institution républicaine se fasse dans une école aux murs et aux plafonds délabrés », s’indigne-t-il. Animateur d’un collectif « insoumis », il a repris l’idée lancée par quelques parents, sympathisants LFI. « Ils m’ont dit : “si tu ne te bouges pas pour l’école, on ne se mobilisera plus pour toi” », reconnaît-il.

Le mauvais état des écoles est source de critiques régulières contre la municipalité de Jean-Claude Gaudin (Les Républicains). Et comme d’autres établissements, situés pour la plupart dans les quartiers nord, le groupe La Viste-Bousquet affiche un manque criant d’entretien. Le stade, au sol défoncé, n’est plus praticable pour les élèves. L’auvent qui sert d’accueil est défraîchi et marqué par la rouille. Et la zone du parking, où les militants « insoumis » se sont installés, n’a pas été rafraîchie depuis plusieurs années. La municipalité assure pourtant que 310 000 euros de travaux ont été réalisés sur le site depuis 2015 – « réfection de sanitaires, de la clôture, protection de fenêtres… », détaille-t-elle dans un communiqué – et pointe les « actes de vandalisme et dégradations multiples » pour expliquer son état.

Réaction en urgence de la mairie

A l’annonce de l’action collective, la mairie de Marseille a réagi en plusieurs temps. Une mise en demeure a été adressée à Jean-Luc Mélenchon, lui rappelant le « caractère illégal » de l’action prévue, constituant une « intrusion dans l’enceinte d’un établissement scolaire public » et lui demandant « d’y renoncer ». Puis, jeudi 19 juillet, elle a fait intervenir deux grapheurs, qui ont réalisé une fresque sur un mur de la maternelle. Ni l’un, ni l’autre n’avaient entendu parler de la polémique politique naissante. « La mairie nous a contactés hier. On a reçu un dessin à reproduire », expliquaient-ils alors simplement au Monde. Deux enfants, sautillant de joie, à réaliser dans des couleurs vives, avec le slogan « Bienvenue à l’école ».

Pendant ce temps, une entreprise de BTP installait des blocs de béton sur la chaussée pour délimiter un chantier de réfection des abords de l’école, jusqu’alors prévu, selon la municipalité, en septembre 2019. Autant d’indices d’une réaction en urgence pour éviter l’humiliation médiatique.

Vendredi après-midi, un huissier, accompagné de trois policiers municipaux, est venu constater « l’état d’occupation » du site, pendant que les militants de La France insoumise, parents d’élèves et journalistes entraient et sortaient par un trou du grillage. « L’idée, c’était de faire réagir la mairie. Tant mieux si elle se bouge et qu’elle rénove l’école », convient Sébastien Delogu. Pinceau en main, Sophie Camard, suppléante du député Jean-Luc Mélenchon, ne cache pas le but politique de l’action. Un pas de plus vers le combat municipal prévu en 2020 pour la succession de Jean-Claude Gaudin. « Nous montons en puissance en nous appuyant sur des cas concrets de lutte citoyenne et en utilisant l’aura de Jean-Luc Mélenchon pour médiatiser nos actions, explique-t-elle. Il y a un besoin de changement qui s’exprime dans cette ville, il faut construire des synergies sans attendre 2020. »

Dans ce 8e secteur de Marseille, gagné en 2014 par la socialiste Samia Ghali, l’ambition de LFI agace. D’autant que Mme Ghali dénonce régulièrement l’état de délabrement des écoles de son secteur. Alors que Jean-Luc Mélenchon viendra samedi 21 juillet soutenir les bénévoles du chantier, le maire Roger Ruzé dénonce « un coup de com de La France insoumise » et juge « indigne de faire du précaire avec les précaires des quartiers nord ». « Je déplore que Jean-Luc Mélenchon et ses amis perdent de vue cette boussole au profit de leur ambition », grince le successeur de Samia Ghali.