Le but des compagnies avec la clause de « no show » : éviter que les passagers achètent un aller-retour, plus économique, pour au final n’effectuer que l’un ou l’autre. / Charles Platiau / REUTERS

Un passager pris dans les embouteillages et qui rate son vol, un autre qui décide de partir plus tôt ou qui choisit de rejoindre son lieu d’escale en voiture plutôt que de prendre le premier vol… On appelle ça le « no show ». Dans le jargon de l’aérien, cet anglicisme désigne un passager qui ne se présente pas à l’embarquement, sans prévenir la compagnie aérienne avec laquelle il devait voyager.

Si ce passager ne la prévient pas, c’est généralement parce que son billet n’est ni échangeable ni remboursable. Il ne voit alors pas l’intérêt de perdre du temps et de l’énergie à contacter le service client. Mais le « no show » a souvent une conséquence sans appel : l’annulation automatique de son billet retour.

Offres indivisibles et non flexibles

Cette clause de « no show » est appliquée par la majorité des compagnies aériennes et elle est avant tout liée à leurs politiques commerciales, et notamment à la vente de billets combinés aller-retour et aux vols avec escale. En effet, lorsqu’un passager prend ce type de vol, il paie généralement moins cher que lorsqu’il achète séparément un aller et un retour, ou un vol direct. C’est une sorte d’offre promotionnelle que proposent les compagnies aériennes. Tout le monde est alors gagnant : le voyageur fait des économies et la compagnie n’a pas à se soucier de devoir remplir son avion, puisque les clients ayant embarqué à l’aller seront là, normalement, au retour ou après l’escale.

Sauf que de nombreuses compagnies considèrent ces offres comme indivisibles et non flexibles. Le but : éviter que les passagers achètent un aller-retour, plus économique, pour au final n’effectuer que l’un ou l’autre. Ou qu’ils choisissent un vol avec escale, moins cher qu’un vol direct, sans prendre le premier vol. Pour pouvoir bénéficier de ces tarifs avantageux, le client devra respecter ces conditions. Au risque de se faire pénaliser dans le cas contraire. « Nos tarifs varient en fonction de plusieurs critères. La durée du séjour, le jour des vols, la présence d’escale… si le client change un de ces critères, il est normal que nous réajustions l’offre qu’il avait achetée », précise un porte-parole d’Air France.

Autre critère expliquant les clauses de « no show » : la rentabilité. « Les compagnies vendent une denrée périssable. Un siège vide ne peut plus rien rapporter une fois que l’avion a décollé. Or, pour faire de l’argent, il faut être capable de bien remplir ses vols. Un passager qui ne se présente pas, c’est une opportunité pour les compagnies. Comme elles font peu d’argent, elles peuvent en gagner à la marge, en revendant ces sièges vides », explique Olivier Fainsilber, spécialiste de l’aérien au cabinet de conseil Oliver Wyman. Et comme les compagnies aériennes pratiquent généralement le surbooking, voir des sièges se libérer permet de contenter d’autres clients. Et donc de gagner plus.

« Réajustement tarifaire »

Dans le cas d’un « no show », chaque compagnie a ses propres règles. Chez certaines compagnies, comme Iberia, l’annulation du billet retour est immédiate. Les passagers doivent tout simplement racheter un billet à leur frais, sur la même compagnie ou une autre. Chez Easyjet ou Air France, la politique est différente. Une surtaxe est demandée au passager pour qu’il puisse embarquer sur son vol retour. Easyjet revalidera le billet pour un frais fixe de 110 euros. Idem chez Air France. « Nous conservons la place du passager, mais le billet ne redevient valide qu’après un réajustement tarifaire », détaille un porte-parole d’Air France. Pour un vol en France avec la compagnie française, cette majoration sera de 125 euros, pour un vol moyen-courrier, de 250 euros, et pour un long-courrier, de 500 euros.

En règle générale, les clients ont cinq ans pour engager des démarches et tenter d’obtenir un geste commercial de la part des compagnies. Le seul remboursement obligatoire est celui des taxes d’aéroport. « Si le passager n’embarque pas, il n’a pas à s’acquitter de ces taxes », explique Jérémy Rozenberg d’Air indemnité, un service qui prend en charge l’indemnisation des passagers aériens. En effet, le prix d’un billet d’avion comprend le vol, mais aussi différentes taxes (taxe d’aéroport, taxe aviation civile, taxe sûreté environnement, etc.). Lorsqu’un passager n’embarque pas, il n’utilise pas les services de l’aéroport. Il peut donc demander leur remboursement en ligne ou par courrier à la compagnie aérienne.

Pratique jugée injuste

Pour éviter toute déconvenue, le premier conseil est de lire attentivement les conditions générales avant d’acheter un billet. « Elles sont souvent écrites très petit et plus personne ne les lit. Les compagnies n’ont d’ailleurs pas intérêt à communiquer sur cette clause de “no show” », continue Jérémy Rozenberg d’Air indemnité. Ensuite, même s’il est souvent difficile d’annuler ou de se faire rembourser un billet, il est conseillé au passager qui n’embarquerait pas à l’aller de contacter la compagnie pour la prévenir. « Il y a un engagement mutuel. Si le client ne se présente pas au rendez-vous, les termes du contrat sont rompus. Si elle n’est pas prévenue, la compagnie pénalisera le passager pour son absence. S’il est de bonne foi, elle fera en général ce qu’elle peut pour satisfaire son client », détaille Olivier Fainsilber.

Certains consommateurs commencent à taper du poing sur la table contre cette pratique qu’ils jugent injuste. C’est par exemple le cas de deux Toulousains qui n’avaient pas pu embarquer sur un vol Air France Paris-Toulouse en 2015. Le tribunal d’Auch leur a donné raison et a condamné la compagnie à leur verser des dommages et intérêts et à rembourser les billets. « Qu’un passager soit ou non présent sur son siège, cela ne change rien pour la compagnie. Le passager devrait pouvoir faire ce qu’il veut de ses billets puisque, aujourd’hui, ils ne sont ni remboursables ni échangeables. Après tout, si je veux faire voyager ma peluche, je fais ce que je veux ! », s’insurge Stella Bisseuil qui a défendu l’affaire.

En mars 2013, la Commission européenne avait présenté un ensemble de mesures visant à renforcer et à étoffer les droits des passagers aériens. Des mesures adoptées un an plus tard au Parlement européen. Mais depuis, ce dossier est bloqué au Conseil européen. « C’était une avancée, même si cela ne tenait pas compte des vols avec escales. Mais pour l’instant, les législateurs ne se sont pas mis d’accord », se désole Jérémy Rozenberg. « Les lobbys sont suffisamment puissants et rien n’a encore pu aboutir au niveau européen », désespère Stella Bisseuil.

Consulter le post de blog de Rafaele Rivais, pour savoir qui peut vous aider en cas de préjudice aérien