Ceci n’est pas le leader de la Sky. / MARCO BERTORELLO / AFP

Saint-Paul-Trois-Châteaux - Mende : 188 kilomètres

Cela n’a aucun sens si l’on regarde le calendrier, mais c’est une sensation qui nous vient immanquablement dès qu’on laisse derrière nous le premier grand massif du Tour : l’idée que les Champs ne sont plus si loin. Nous faisons route vers le sud, pourtant, et ce n’est jamais que la 13e étape sur 20, ce samedi. Mais l’on s’imagine que les patrons d’équipe pensent pareil.

Car l’entrée dans les Pyrénées sera déjà, pour nombre d’équipes, une première fin. Elles seront époussetées par les équipes de leaders, les sprinteurs reviendront débarrasser la table le dernier dimanche, et août pourra commencer. Ces équipes regardent alors les deux étapes à venir comme des marches vers l’échafaud : si elles ne brillent pas d’ici Carcassonne, elles auront sans doute des comptes à rendre.

De qui parle-t-on ? Parmi les 16 équipes qui n’ont pas encore gagné d’étapes, trois (AG2R, Movistar, Sunweb) jouent encore une place sur le podium à Paris et deux peuvent espérer y porter un maillot distinctif (Fortuneo et Wanty-Groupe Gobert). Cela laisse 11 équipes « en chien », passez-nous l’expression : Education First, Bahraïn-Merida, Mitchelton-Scott, UAE Emirates, Astana, Dimension-Data, Katusha, Groupama-FDJ, Lotto-Soudal, Direct Energie et Cofidis.

La moitié du peloton a une semaine pour sauver son Tour

Cela signifie que la moitié du peloton doit sauver son Tour dans les Pyrénées ou avant. Pour qu’elles puissent bien faire, il faudrait que le peloton soit plus tolérant avec les échappées. Jusqu’ici, Julian Alaphilippe, au Grand-Bornand, est le seul vainqueur d’étape issu d’une échappée de la première heure. Pour le reste, les enjeux d’une victoire d’étape sont si grands que les équipes venues pour ça n’ont jamais laissé aucun espoir aux attaquants.

Saurez-vous identifier Antwan Tolhoek ? / MARCO BERTORELLO / AFP

Vendredi, les équipes des trois meilleurs sprinteurs en course ont placé leurs vigiles en tête de peloton jusqu’à ce qu’un groupe soit jugé apte à sortir. Comme en boîte, il ne faut pas être trop nombreux. Pas comme en boîte, il ne faut pas avoir son nom sur la liste-des-gars-qui-n’ont-pas-le-droit-de-partir-car-trop-dangereux. De sorte que si une échappée sort, c’est que l’on est sûr qu’elle n’a aucune chance d’aller au bout. Limpide, non ?

Une fois les quatre hommes sortis, ils n’ont jamais eu plus de 3 min 20 d’avance, chacune de ces trois équipes de sprinteurs demandant à un homme de rouler en tête de peloton. « Le but, c’était de les décourager moralement, explique à Lequipe.fr Philippe Mauduit, directeur sportif d’UAE Emirates, l’équipe d’Alexander Kristoff. C’étaient des grands rouleurs, on ne pouvait pas se permettre de les laisser prendre le large parce que derrière on ne peut pas griller nos cartouches de façon stupide. »

L’étape vers Mende, sans doute la plus photogénique de ce Tour, est une première occasion à ne pas manquer. Elle passera par les villages de Bidon et La Baraque de l’Air. Elle s’achèvera à la côte de la Croix Neuve, où Thibaut Pinot et Romain Bardet avaient tourné il y a trois ans un épisode de « l’anti-manuel de la tactique cycliste », dont Steve Cummings avait profité.

Last kilometer – Stage 14 (Rodez / Mende) - Tour de France 2015
Durée : 01:40

La côte est suffisamment raide pour que l’un ou l’autre des favoris y perde des plumes. Le passé en atteste, avec des écarts de 10 à 40 secondes entre prétendants à la victoire finale (voir les classements de 2005, 2010 et 2015). Sur cet effort de dix minutes, Geraint Thomas est bien capable de reprendre un peu de temps à son ami Christopher Froome. Mais on s’en voudrait de foutre le boxon.

A PART ÇA,

On ne se lasse pas de voir la fascination qu’exerce un coureur cycliste sur des enfants.

Il faut revisionner les images de l’ascension de Mende par le groupe des favoris du Tour 1995 pour se rappeler que la lutte antidopage a un peu avancé, depuis.

Départ à 13 h 10 ; arrivée prévue vers 17 h 40

Le Tour du comptoir : Bourg-d’Oisans

Où l’on apprend une belle anecdote sur Tyler Hamilton.

Après le départ de Bourg-Saint-Maurice, nous étions vendredi matin à Bourg-d’Oisans, l’occasion pour En Danseuse de proposer ici à Amaury Sport Organisation (ASO) un partenariat en vue de l’organisation d’un « Tour du mot Bourg », avec arrivée prévue à la station de métro correspondante dans le 7e arrondissement de Paris, et départs d’étapes exclusivement dans des villes au patronyme adapté. L’expertise géographique d’En Danseuse nous fait dire que la chose est faisable et la rédaction se rendra dès ce samedi matin à Bourg-Saint-Andéol, traversé par la 13e étape du Tour, pour organiser le Grand départ 2019. Nous laissons aux plus experts – et oisifs – d’entre vous le soin de proposer un parcours pour un « Tour du mot Bourg » de dix jours.

Pour le départ de Bourg-d’Oisans, l’organisation de la course pourra loger à l’Oberland, bar-hôtel-restaurant resté dans son jus de la fin du XIXe siècle et qui a toujours eu un faible pour le vélo. Des maillots vintages pendent aux fenêtres parce qu’ils ne pendent plus aux rambardes de la terrasse, où des voyous les volaient, même vissés. Hormis cela, nous dit Christian Beaucourt, le patron depuis vingt ans, la corporation est exemplaire : « J’ai croisé un paquet de cyclistes toutes ces années, et je vais vous dire : je n’ai pas souvenir d’un seul con. »

Quand le Tour était moins grand et moins soucieux de regrouper les équipes dans les stations, des coureurs étaient logés là. Et l’Oberland – le fondateur de l’hôtel, un Français, était dit-on passionné par cette région suisse qui n’a pas l’air trop moche – a beaucoup accueilli des cyclistes en stage dans l’Oisans. La clientèle sur deux roues, étrangère en quasi-totalité, représente toujours 95 % de ses nuitées.

Curieux comme on est, on lui a demandé sa meilleure anecdote avec un cycliste professionnel : « Une fois, j’avais l’équipe de Lance Armstrong, l’US Postal. Un matin, au petit-déjeuner, il y avait Tyler Hamilton. Je lui ai dit : “J’espère que vous allez faire un bon Tour.” Il a gagné une étape avec la clavicule cassée. » Fin de l’anecdote. Bon, Christian est meilleur en omelettes (surtout que l’année de sa clavicule cassée, Tyler Hamilton ne courait plus pour l’US Postal).

Le vélo, c’est aussi des souvenirs au Sénégal, au début des années 1980, lorsque Christian était « chef de cuisine » – et non « cuisinier », il y tient – du Club Med local et que l’équipe de Bernard Hinault était venue pour se détendre, en vacances. « Adorables. Bon, Hinault, c’était pas un joyeux luron, pas du genre à monter sur la table, mais par rapport à Tabarly qu’on avait eu l’année d’avant, c’est le jour et la nuit ! »

Christian a 58 ans et s’est posé ici après de longues années de cuisine dans 15 pays différents. Avec tous ces contrats à l’étranger, il devra bosser jusqu’à 65 ans avant de toucher la retraite. Ça lui fera 50 ans de métier, et cela lui semble loin.