Le peloton durant la septième étape du Tour de France. / Christophe Ena / AP

C’est probablement la conversation WhatsApp la plus confidentielle du Tour : elle porte un nom barbare, « CADF-AFLD », et c’est là que se décide la stratégie des contrôles antidopage sur la Grande Boucle. En guerre il y a dix ans, l’Agence française de lutte conre le dopage (AFLD) et la Fondation antidopage pour le cyclisme (CADF) travaillent désormais de concert pour identifier les tricheurs du peloton.

« Nous avons des partages d’informations avec 25 agences nationales antidopage, mais la profondeur de notre relation avec l’AFLD est assez unique », dit Francesca Rossi, directrice de la CADF. Formalisé par un protocole de coopération, cet échange de renseignements se matérialise sur une conversion par messagerie instantanée entre Damien Ressiot, directeur des contrôles de l’AFLD, et les enquêteurs, experts et dirigeants de la CADF. Là, les seconds, qui ont le dernier mot sur l’identité des coureurs à contrôler, le type de contrôle (sanguin ou urinaire) et ses modalités (au réveil, après l’étape ou au coucher), échangent avec le Français pour mettre au point la stratégie. Durant le Tour, jusqu’à vingt messages par jour s’échangent entre ces spécialistes du dopage, chaque coureur étant identifié par un numéro de code.

« On s’envoie des informations codées, qui respectent le b-a-ba de la confidentialité et de la protection des données, mais notre proximité relationnelle fait que c’est très simple. On se connaît tous », explique Damien Ressiot.

Huit à dix contrôles par jour

L’identité des coureurs contrôlés dépend surtout des résultats et des prélèvements sanguins effectués sur chacun des coureurs le jeudi précédant le Tour de France. Les données sont comparées au « passeport sanguin » de chaque athlète, et des experts indépendants livrent leur recommandation sur les profils suspects : « C’est notre ressource la plus importante, c’est une mine », confirme Francesca Rossi.

Les informations fournies par l’Oclaesp (service de gendarmerie dont les officiers spécialisés dans le dopage sont présents sur le Tour de France) peuvent aussi déclencher des contrôles, de même, explique Damien Ressiot, qu’un « comportement particulier pendant un contrôle ou des performances étonnantes ».

La CADF, organe indépendant de l’Union cycliste internationale, est limitée en nombre de contrôles pour des raisons budgétaires : pas plus de huit à dix par jour. Sa bonne entente actuelle avec l’AFLD est une source d’espoir pour tous les couples en crise, puisque les deux ne se parlaient plus, il y a dix ans : les relations entre les présidents de l’AFLD et de l’UCI étaient exécrables, le premier reprochant au second de ne pas lutter suffisamment contre le dopage. Lors du Tour 2008, disputé sous l’égide de la Fédération française de cyclisme et non de l’UCI, l’AFLD avait été seule responsable des contrôles. Un succès retentissant, avec sept contrôles positifs impliquant plusieurs vedettes de ce Tour, un chiffre jamais égalé depuis.

Dix ans plus tard, les deux instances, qui ont chacune changé de direction, travaillent en harmonie mais craignent fortement que les résultats des contrôles ne soient pas les mêmes. « Qu’il y ait crispation ou parfaite collaboration, l’équation est très compliquée, souffle Damien Ressiot. A l’instar de ce qui se passe aux Jeux olympiques, c’est dans le mois qui précède le Tour que tout se joue. En compétition, on est davantage dans la régulation. »

Hormis le contrôle positif à la cocaïne de l’Italien Luca Paolini en 2015, le dernier cas de dopage d’envergure est celui de Fränk Schleck, positif à un diurétique en 2012. Jusqu’à présent, tous les contrôles réalisés dans ce Tour de France sont négatifs.