Athènes encerclée par quinze départs de feu
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Mati, à une quarantaine de kilomètres à l’est d’Athènes, ressemblait mardi 24 juillet dans l’après-midi à une ville fantôme. Rares sont les habitations qui ont résisté aux terribles feux de la nuit de lundi à mardi, l’odeur de brûlé embaumait encore l’air, les Canadair survolaient toujours les environs, les carcasses des véhicules étaient omniprésentes, et les rescapés venaient vérifier l’étendue des dégâts. « Mati n’existe plus », a déclaré à la télévision grecque le maire de Rafina, le chef-lieu voisin, Evangélos Bournous. Plus de mille demeures et 300 véhicules ont été ravagés par les flammes.

En début d’après-midi mardi, après une nuit blanche, Katerina Pantelidis est revenue sur les lieux avec son frère Giorgos, le visage couvert de cendres et en pleurs. « A 10 minutes près, je n’aurais pas été en vie… Quand nous sommes sortis de la maison avec mon père et ma mère, les flammes arrivaient à toute vitesse, emportées par le vent. Nous avons couru jusqu’à la marina pour nous mettre à l’abri. Je suis tombée, je me suis foulé la cheville, j’ai cru vraiment que j’allais mourir…, raconte-t-elle confuse, les yeux embués. J’entends encore les cris de partout, je revois les visages d’enfants brûlés, les animaux calcinés, ce sont des images d’horreur ! »

Giorgos était lui à Rafina quand le feu s’est propagé : « J’ai attendu avec angoisse pendant des heures avant de les voir sains et saufs, je n’avais pas de nouvelles, ils avaient laissé leurs téléphones portables à la maison ».

Pendant huit heures, la famille Pantelidis a attendu les secours dans le petit port de plaisance avec près de 300 personnes. « Finalement, c’est un pêcheur qui nous a ramenés vers le port de Rafina. Il nous a sauvé la vie ! », confie Katarina.

« Nous avons tout perdu »

Au club nautique, Michalis Schinas a mobilisé tous les propriétaires de bateaux pour qu’ils aident les gardes-côtes et qu’ils ramènent autant que possible des personnes vers Rafina. « A ce moment-là, nous devions aider. Maintenant, après les événements, nous sommes sous le choc. Nous avons vu des enfants se noyer, des dizaines de blessés et des grands brûlés. De nombreuses personnes âgées sont aussi portées disparues et nous craignons de retrouver leurs corps en mer les prochains jours… », note-t-il. Une base de données pour retrouver les disparus a été mise en place et sur les réseaux sociaux, les photos des personnes recherchées sont relayées activement.

Le toit de la maison des Pantelidis s’est effondré et sur l’entrée de la bâtisse un signe jaune vient d’être griffonné. Un ingénieur civil est passé mardi, comme l’a prévu le gouvernement dans toute la région, et a décrété qu’elle devait être démolie car elle est devenue trop dangereuse pour y habiter. « Le gouvernement promet de nous aider mais comment ? Nous avons tout perdu. Nous sommes désormais à l’hôtel et nous ne savons pas pour combien de temps… », s’exaspère Giorgos.

L’adjoint au maire de Rafina, Panagiotis Kalfantis, assure que « 150 personnes restent sans logement principal, de nombreuses maisons n’ont plus ni l’électricité ni l’eau, et cela prendra des semaines avant un retour à la normal ».

A quelques mètres de la bâtisse des Pantelidis, Giannis Kalogiros a, malgré les recommandations des pompiers, bravé les flammes pour sauver son fils de 7 ans bloqué avec sa belle-sœur et son bébé dans une chambre d’hôtel : « J’ai agi bêtement, j’aurais pu mourir. Mais je me suis dit que ma vie n’avait pas beaucoup de sens sans mon fils et j’ai pris ce risque ».

Tassos Filipou, propriétaire de l’hôtel Miami, estime avoir eu de la « chance » : « Tout autour de nous les maisons brûlaient, plusieurs personnes sont mortes, mais notre hôtel a été épargné… Les touristes sont tous partis dans d’autres hôtels dans des localités voisines épargnées par les feux. Pour moi, la saison est finie ! ».

Solidarité

La solidarité s’organise un peu partout dans la région sinistrée. Les supermarchés ont offert de l’eau et de la nourriture aux survivants, des volontaires affluent de toute la région pour distribuer des vivres et des médicaments, des médecins se mobilisent bénévolement, des associations de protection des animaux recueillent les bêtes égarés.

Nikos Nikolakopoulos a parcouru une quarantaine de kilomètres pour apporter nourriture et eaux aux personnes qui ont perdu leurs maisons et sont temporairement hébergés dans le stade de la ville de Rafina ou dans les hôtels aux alentours. « Mon meilleur ami habite à Mati, il a failli perdre la vie, sa voiture a été complètement brûlée, sa maison partiellement démolie mais le plus important c’est que toute sa famille aille bien. Tellement de personnes sont mortes, c’est une véritable tragédie et c’est bien normal d’aider ! », commente le trentenaire.

Despina Perimeni, de la Croix-Rouge, parle d’un « véritable élan de solidarité ». « Tout le monde est traumatisé. Nous avons mis en place des premiers secours pour les blessés mais aussi une cellule psychologique. Les lendemains d’une telle catastrophe vont être difficiles », constate-t-elle.

Mardi, le premier ministre Alexis Tsipras a déclaré trois jours de deuil national : « Nous ne devons pas nous laisser dépasser par notre peine. Nous devons dans les prochaines heures lutter, être unis et solidaires avec les citoyens touchés par cette tragédie ».

Vers 18 heures, mardi, Konstantinos Kalamaras, pompier, prenait sa première pause pour manger un sandwich après plus de 24 heures de service. « La nuit de lundi à mardi a été très dure, nous avons tout donné pour sauver le plus de vies possibles. Mais c’était l’apocalypse !, soupire-t-il, éreinté, dégoulinant de sueur. La vue de squelettes d’enfants morts carbonisés dans les bras de leur mère me marquera à jamais. J’ai vécu la pire nuit de ma vie et j’espère ne jamais en revivre de telle. »

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