Chris Froome (arrière-plan) à la peine, mercredi 25 juillet. / STEPHANE MAHE / REUTERS

Christopher Froome au bord de l’asphyxie sur son engin, langue pendante, tête basse. Christopher Froome largué. Christopher Froome a perdu. Sur les dernières pentes du col du Portet (Hautes-Pyrénées), les rêves de maillot jaune du Britannique s’envolent au moment où son coéquipier Geraint Thomas décolle dans les ultimes lacets du parcours.

La 17e étape, remportée par le Colombien Nairo Quintana mercredi 25 juillet, n’a pas tenu les promesses de son tracé aussi alléchant qu’inédit – 65 kilomètres à peine, dont pas un de plat, et trois cols mythiques. Mais de cette journée pas inoubliable, au bout d’un Tour qui ne le sera pas plus, resteront tout de même la détresse du quadruple vainqueur de l’épreuve et la fin de l’ambiguïté : la victoire sur les Champs-Elysées, dimanche, est promise à Geraint Thomas.

L’issue du feuilleton entre les deux coéquipiers, dont personne ne pouvait depuis le départ du Tour dire qui était le n° 1 et qui était le n° 2, constituait la seule réelle incertitude d’une course largement dominée par l’équipe Sky. Le suspense est levé. « On a un leader défini maintenant, les choses sont beaucoup plus claires », affirme Nicolas Portal, le directeur sportif français de la formation britannique sur le point de s’adjuger un sixième Tour de France en sept ans, avec un troisième coureur différent (Wiggins en 2012, Froome en 2013, 2015, 2016 et 2017).

Pas de miracle « façon Bardonecchia »

Au lendemain de la seconde des trois étapes de montagne pyrénéennes, Froome, 3e au classement général, comptait 2 minutes 31 secondes de retard – un gouffre – sur Thomas, lequel possédait 1 minute 59 secondes d’avance sur son dauphin, le Néerlandais Tom Dumoulin. « Je pense que je suis en bonne position maintenant », pouvait sourire le Gallois de 32 ans à l’arrivée, lui qui ne devait être qu’un lieutenant au départ et que personne n’imagine à présent échouer sur les deux derniers écueils avant Paris – une étape de montagne vendredi, via le Tourmalet et l’Aubisque, un contre-la-montre accidenté samedi.

Dave Brailsford, manageur de l’équipe Sky, a tout de même sorti l’extincteur pour empêcher tout le monde de s’enflammer : « On a deux minutes d’avance, la probabilité qu’on remporte cette course repose plus sur Geraint à présent, je pense. Mais ça ne veut pas dire pour autant que tout est fini. »

Pour Froome, si, sauf nouveau miracle « façon Bardonecchia », la ville du Piémont où arrivait la 19e étape du dernier Tour d’Italie, au mois de mai : au matin, Froome comptait 3 minutes 22 secondes de retard sur le leader du classement général. Le soir, il avait enfilé le maillot rose après avoir tout renversé lors d’un raid solitaire stupéfiant.

Une cohabitation est-elle possible?

Le coup de théâtre a peu de chances de se reproduire sur les routes de France, de l’aveu même de celui qui a remporté les trois derniers grands Tours (France et Espagne 2017, Italie 2018) et semble passer le témoin à son coéquipier : « On n’a plus qu’à veiller sur Geraint maintenant. “G” n’a fait absolument aucune erreur cette année, il mérite pleinement de porter le maillot jaune. On croise les doigts pour qu’il aille jusqu’au bout et finisse le boulot à Paris. »

« Si Froome se sacrifie et aide Thomas, il sera un titan, un des plus grands de tous les temps »

Dave Brailsford a salué les propos et l’attitude d’un « équipier parfait » : « Si Geraint finit par gagner la course, il deviendra une légende. Mais si Froome se sacrifie et l’aide à le faire, il sera un titan, un des plus grands de tous les temps, sans même avoir gagné la course. »

Froome ne remportera donc pas cette année un cinquième Tour de France qui l’aurait placé sur la même ligne que Jacques Anquetil, Eddy Merckx, Bernard Hinault et Miguel Indurain. Et déjà se pose la question de la cohabitation, au sein de l’équipe Sky, de deux coureurs dominateurs qui risquent de se rouler sur les pieds dans les années à venir. « C’est génial d’avoir deux gars qui peuvent gagner des grands Tours dans la même équipe, esquive Nicolas Portal. Ce n’est pas donné à tout le monde. Tant qu’ils ne se mettent pas des pains dans la tête, ça va. » Pour l’heure, les Sky se contentent d’en mettre à la concurrence.