Emmanuel Macron et Antonio Costa, à Lisbonne, le 27 juillet. / Armando Franca / AP

Pas une question sur l’affaire Benalla. C’est devant une salle remplie seulement aux deux tiers et composée d’un public poli qu’Emmanuel Macron a déroulé, vendredi 27 juillet à Lisbonne, son ambition pour le futur de l’Union européenne. Le président français, au côté du premier ministre socialiste portugais Antonio Costa, a pris plaisir à revenir à ses fondamentaux pro-européens en animant sa première « consultation citoyenne sur l’Europe » en dehors de la France.

Lancée lors de son discours à la Sorbonne, en septembre 2017, l’idée d’organiser des débats dans toute l’Europe est censée être appliquée par chaque capitale européenne d’ici octobre. Seule la Hongrie a refusé, les autres pays jouant le jeu avec plus ou moins d’entrain.

Les Portugais, profondément francophiles et pro-européens, avaient bien fait les choses. M. Macron n’a jamais été mis en difficulté, de quoi changer après dix jours de polémiques en France sur les violences reprochées à son chef de cabinet adjoint. L’auditorium de la Fondation Gulbenkian était surtout rempli d’un public composé d’expatriés français et de Portugais souvent bien apprêtés.

« Il y a beaucoup de monde des ministères et pas beaucoup de citoyens lambda », témoignait une haute fonctionnaire portugaise travaillant sur les affaires européennes et venue assister à l’événement. En pleines vacances scolaires, un midi de jour de semaine, pouvait-il en être autrement ?

« L’Europe sensuelle »

Sur l’immigration, les institutions européennes ou le couple franco-allemand, aucune question n’a jamais vraiment surpris les deux responsables politiques, qui ont fustigé devant un public conquis la montée des « extrêmes » et des « nationalistes » en Europe centrale.

« L’Europe doit être un objet plus chaud, plus sensible, plus sensuel, au sens premier du terme, a notamment plaidé le président français. On a créé une Europe un peu bureaucratique. On ne peut pas simplement dire que l’Europe ce sont des règles, des objets froids qui s’imposent depuis un extérieur lointain. »

Antonio Costa, lui, a longuement plaidé pour un budget de la zone euro, alors que le Portugal se remet à peine de la crise financière de 2008 qui l’a conduit sous la tutelle de la « troika » (Commission, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international). « Il faut un budget de la zone euro qui permette d’investir », a-t-il expliqué, obtenant l’assentiment du Français. « Je n’ai rien à redire, je partage tout », a appuyé M. Macron, qui a arraché un accord de principe sur le sujet en Allemagne, mais sans qu’aucun montant d’un tel budget soit jusqu’ici avancé.

Si le président français a surtout paraphrasé son discours de la Sorbonne, il s’est fait un peu plus précis sur sa vision de l’Europe « à dix ou quinze ans ». Il a notamment évoqué une Europe en trois « cercles ». Le plus large consisterait en une « union de valeurs, de principes démocratiques et de libertés économiques », « quelque chose entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe actuels ».

Cet ensemble serait « moins intégré, mais très exigeant sur les valeurs », a promis M. Macron en assurant que la Russie et la Turquie auraient vocation à en faire partie « soit en son sein, soit avec des accords d’association étroits ». Ce qui suppose que ces deux pays adoptent des standards démocratiques européens dont ils sont pour l’instant très éloignés.

« Le cœur du réacteur »

Le second cercle, plus resserré, consisterait en un « marché unique fort », « quelque part entre l’UE et la zone euro actuelles ». Celui-ci pourrait notamment s’occuper de sujets « militaires, commerciaux ou numériques » et garantirait « une vraie liberté de circulation en son sein ».

Le troisième cercle, dont on aura compris que la France a vocation à faire partie, serait « le cœur du réacteur », « avec un marché du travail beaucoup plus intégré », une « convergence sociale » voire une assurance chômage commune. Le « cœur d’une Europe des peuples plus intégrée, qui est allée au bout de la logique de la zone euro », a résumé M. Macron. Sans être aussi précis, Antonio Costa n’a pas caché son avis favorable à une Europe à plusieurs vitesses qui aurait vocation à contourner les pays plus eurosceptiques.

Largement applaudis par le public europhile de la fondation Gulbenkian, les deux responsables doivent encore toutefois prouver qu’ils sont capables de convaincre le commun des Européens.