On finit en beauté : les coureurs du Tour de France ont offert un enchaînement Tourmalet-Aubisque à couper le souffle vendredi, Mikel Landa et Romain Bardet se lançant à l’assaut de la victoire d’étape et se retrouvant même sur le podium virtuel, avant que les coups de boutoir du duo Dumoulin-Roglic contre Christopher Froome, un temps lâché, ne coûtent sa peau à l’échappée royale. Le Slovène part dans la descente de l’Aubisque et s’impose détaché à Laruns, éjectant Froome du podium. Le Tour est gagné pour Thomas mais derrière lui, trois homes se tiennent en 33 secondes avant le très difficile contre-la-montre au Pays basque.

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  • Primoz Roglic a aussi la fonction « sourire »

Numéro gagnant. / Peter Dejong / AP

L’un des visages les plus énigmatiques du peloton s’est brièvement illuminé ce vendredi sur le podium à Laruns. On a souvent croisé le chemin de Primoz Roglic sur ce Tour de France ; on ne l’a jamais vu sourire. Il a traversé la zone mixte des journalistes avec la tête de celui qui venait de chuter du podium provisoire du Tour, quand il venait d’y grimper. On se demande souvent s’il n’était pas plus heureux sur les tremplins de saut à ski, le sport de ses rêves dans un pays qui consacre ces artisans des airs.

Lire notre portrait en 2017 : Primoz Roglic, le saut de l’inconnu

En franchissant la ligne en vainqueur d’étape du Tour de France, pour la deuxième fois de sa carrière après Serre-Chevalier l’an dernier, Roglic arborait le même visage fermé. En levant mécaniquement les bras, il a laissé apparaître une longue croix tatouée au revers de son bras droit. Elle est accompagnée d’une citation latine. Interrogé à ce sujet par Libération, l’an dernier : « Je ne me rappelle plus vraiment le sens. »

Nos confrères avaient peiné à lui arracher quelques mots, lui qui préfère « parler avec les jambes ». Le Tour est dans de beaux draps si Primoz Roglic, désormais troisième du classement général, s’installe comme prétendant au maillot jaune dans les années à venir. Pas seulement pour son absence de charisme mais aussi pour la traînée de soufre qu’il laisse dans son sillage, marqué au fer rouge par un reportage de Stade 2 l’accusant d’avoir glissé un moteur dans son vélo - la Lotto NL-Jumbo avait démenti mais jamais déposé la plainte en diffamation annoncée.

Il y a aussi cette tendance à prendre le sillage des motos, déjà dénoncée l’an dernier par Andre Greipel sur le Tour d’Algarve (l’Allemand ne serait pas ascendant balance, par hasard ?) et à nouveau par Tom Dumoulin, aujourd’hui après la ligne d’arrivée : Roglic aurait souvent pris l’aspiration de la moto de télévision pour creuser l’écart sur le groupe maillot jaune dans la descente. « Il volait dans la descente et je me suis fait lâcher dans une ligne droite parce qu’il était assis sur son cadre et dans l’aspiration de la moto. Je sprintais et je ne pouvais pas me rapprocher. C’est vraiment ridicule. Je suis super énervé. »

Qu’y peut le Slovène ? « Ce n’est pas de ma faute, et tout le monde a la possibilité de prendre la première place d’un groupe. Je ne crois pas en avoir tiré un quelconque avantage. » Il était plus franc du collier l’an dernier dans Libération : « En quoi est-ce interdit ? Tout le monde fait ça ! Quand vous voyez des images très rapprochées du peloton à la télé, vous ne pensez pas que les coureurs sont derrière une moto télé ? » C’était avant de jouer le podium du Tour.

  • Finalement, une étape de montagne, c’est beau

L’Aubisque magnifisque. / JEFF PACHOUD / AFP

Il a fallu attendre la dernière pour s’en apercevoir, c’est ballot, mais au moins quittera-t-on la montagne sur une bonne impression. Les cinq précédentes, disons-le, nous avaient plongés dans des abîmes de détresse.

Que retiendra-t-on du triptyque alpestre ? Nibali qui se vautre à cause d’un spectateur, la polémique sur les fumigènes, l’ennui, le « mur blanc de la Sky » et sa façon d’anesthésier la course jusqu’aux 300 derniers mètres, l’amorce de la prise de pouvoir de Geraint Thomas. Et le numéro de Julian Alaphilippe (au Grand-Bornand), si vous êtes Français, évidemment.

Idem pour les deux premières journées pyrénéennes, dont on gardera essentiellement en mémoire le pétard mouillé du départ façon Formule 1, et le « Fuck you » de Chris Froome au gendarme qui l’avait mis par terre, au bout de l’étape qui l’a vu perdre le Tour. Et le numéro de Julian Alaphilippe (à Bagnères-de-Luchon), si vous êtes français, évidemment.

Quatre garçons dans la brume. / JEFF PACHOUD / AFP

Vendredi, miracle : de Lourdes à Laruns, on a enfin vu le vélo qu’on aime, lors d’une étape qu’on a presque eu du mal à suivre tant les coups ont fusé sans cesse, et de toutes parts. Les outsiders sont partis à l’aventure sans se poser de questions, les Sky ont dû faire preuve de finesse tactique pour les contrer, le classement virtuel s’est affolé – Mikel Landa était revenu à une grosse minute de Geraint Thomas à 50 km du but. L’enchaînement de trois cols mythiques a provoqué un mouvement quasi-permanent. Landa, Bardet, Majka dans le Tourmalet, Kruijswijk, Dumoulin, Bardet dans l’ascension de l’Aubisque, puis Majka et enfin Roglic dans la descente, morceau de bravoure dans la brume où le Slovène a construit sa victoire.

La plus belle étape du Tour s’est montrée à la hauteur de son décor à couper le souffle. Si l’on peut se permettre – on va se faire des ennemis –, d’un strict point de vue esthétique, les Pyrénées, c’est quand même autre chose que les Alpes. Il faut voir le Soulor, il faut voir l’Aubisque verdoyante et brumeuse, où même le bitume des routes arrive à avoir de l’allure. On y reviendra, avec ou sans le Tour.

En haut à droite, l’inénarrable chapelle Notre-Dame de Piétat, à Saint-Savin, frôlée par le peloton vendredi.

  • Encore une gueule cassée chez Education First

Lawson Craddock n’est plus seul. L’Américain, lanterne rouge du Tour de France, vit une heure de gloire sans fin grâce à sa chute lors de la première étape, depuis laquelle il roule avec un trait de fracture à la clavicule et une arcade recousue. Son équipe va pouvoir présenter un superbe duo d’éclopés sur les Champs-Elysées dimanche : Taylor Phinney a franchi la ligne d’arrivée dans un piteux état à Laruns, comme en témoignent ces images elles-mêmes de qualité assez piteuse, les seules que nous ayons pour l’instant.

« Je ne sais pas vraiment ce qui s’est passé, a-t-il déclaré à l’arrivée, selon des propos recueillis par les confrères de VeloNews. J’ai roulé sur une bosse et perdu l’équilibre au mauvais moment, j’ai fini par me prendre un arbre dans la face, je me suis cassé le nez. »

L’Américain, l’un des plus intéressants spécimens du peloton, a d’abord été rafistolé tant bien que mal par le médecn de la course, avant de filer à l’hôpital à l’arrivée, comme l’a tweeté son équipe Education First, qui s’appelle en réalité « EF Education First Drapac powered by Cannondale Pro Cycling Team ».

Nous vous donnerons évidemment des nouvelles de l’état de Taylor Phinnez cassé lorsque nous en aurons. Quoi qu’il en soit, joli tir groupé à l’arrivée de la 19e étape pour EF Education First Drapac powered by Cannondale Pro Cycling Team : Craddock avant-dernier à 38 minutes de Roglic, Phinney dernier à 40 minutes. Cinq minutes plus tard, il était hors-délais. Phinneylement, il verra Paris.