Vote à Bamako, le 29 juillet. / ISSOUF SANOGO / AFP

« Président, il reste cinq minutes ! Faites entrer les délégués », crie avec enthousiasme Boubacar Diallo, un des deux assesseurs du bureau de vote n° 5. Quatre délégués des 24 candidats en lice pour le premier tour de l’élection présidentielle entrent et s’assoient en silence sur les pupitres délabrés.

Il est 8 heures, dimanche 29 juillet. A l’école de Boulkassoumbougou, dans la banlieue de Bamako, le vote commence à l’heure pour les 30 600 électeurs inscrits dans ce centre. Tout comme dans la plupart des bureaux de vote visités par les 100 observateurs de la Mission d’observation de l’Union européenne (MOUE).

« 70 % des 44 bureaux que nous avons observés ont ouvert à temps. Les 30 % restants ont accusé un retard allant de 5 à 30 minutes », a expliqué Cécile Kyenge, la chef de la mission, en fin de matinée.

« Il y a de l’anxiété »

A Boulkassoumbougou, quelques minutes avant le début du vote, les délégués ont les yeux rivés sur l’urne, retournée sans couvercle, que Boubacar Diallo secoue avec vigueur. « Regardez tous, regardez bien, il n’y a rien dedans », dit-il avant de la reposer. Pour M. Diarra, il est important d’insister sur ce point : aucune fraude ne sera admise. Surtout par ces temps de polémique.

Les suspicions de fraude, lancées par une partie de l’opposition le 20 juillet, ont marqué la fin de campagne et chauffé les esprits. « Tout est au point, tout le monde s’est mis d’accord », répète M. Diallo, avant de faire entrer le premier électeur. Issa Daou, la soixantaine, est le seul électeur présent devant le bureau. Il entre, se dirige vers l’isoloir et fait son choix. « Il y a de l’anxiété, avoue-t-il en sortant. Mais toutes ces histoires de crise post-électorale, ce ne sont que des mots. Tout va bien se passer. »

Dans ce centre de vote, les cartes d’électeurs non distribuées, que les retardataires pouvaient retirer aujourd’hui, ne sont pas arrivées. Le même constat a été fait dans plusieurs autres bureaux de vote.

Quelque 23 000 bureaux sont ouverts. Les premiers résultats sont attendus dans les 48 heures, les résultats officiels provisoires le 3 août au plus tard, avant un éventuel second tour le 12 août. / ISSOUF SANOGO / AFP

A quelques kilomètres de là, en plein centre-ville de Bamako, c’est le problème inverse. Dans le centre de vote de Oulofoubougou Bolibana, les cartes d’électeurs non distribuées sont bien arrivées. « Mais regardez un peu la taille de la pile. Personne n’est encore venu en retirer », déplore Boubacar Diarra, le coordinateur du centre. Il est 9 h 45 et depuis l’ouverture du vote, la pile de 173 cartes d’électeurs à retirer n’a pas diminué. Elle représente plus d’un quart des inscrits.

« Les citoyens sont déçus des politiques »

« Ça ne va pas être comme en 2013, cette fois j’ai l’impression que les gens ne vont pas sortir pour aller voter », estime M. Diarra. Il y a cinq ans, les gens s’étaient mobilisés très tôt le matin, parce qu’il y avait eu un coup d’Etat et que les Maliens tenaient à mettre en place un régime légaliste. Aujourd’hui, les citoyens sont déçus des politiques. Leurs conditions de vie n’ont pas changé. Ils n’y croient plus. Surtout que ce sont les mêmes politiques qui sont aux manettes depuis l’avènement de la démocratie, il y a plus de quinze ans ! »

Les mains plongées dans ses fari, une pâte de haricot verte cuite dans la paille, Fatimata Diarra regarde le balai incessant de véhicules et de motos, s’arrêtant devant le centre de vote du lycée Nelson Mandela, dans le quartier central de l’Hippodrome. 21 341 électeurs y sont inscrits. Que pense-t-elle de l’élection ? « C’est bien, dit elle entre deux clients. Il y a du monde ce matin. Plus que d’habitude. »

Va-t-elle aller voter ? « Je pense surtout à l’argent, ça va bien marcher aujourd’hui », sourit-elle. À sa droite, Awa Diarra enfile des morceaux de chèvre marinés sur des pics en bois. « On ira peut-être voter, après », dit-elle timidement. La cuisinière avoue avoir « un peu peur. Tout ce qu’on veut, c’est que l’élection se passe en paix, peu importe qui gagne ».

Agressions, saccages et vols de matériel électoral

Si à Bamako, l’élection s’est déroulée le matin dans le calme, plusieurs incidents ont été constatés dans le centre et dans le nord du pays, représentent près de 37 % du corps électoral. « Dans la région de Tombouctou, 17 urnes ont été emportées dans la nuit du 28 au 29 juillet. En conséquence, les bureaux des 4 centres n’ont pas pu ouvrir. », rapporte la Coalition pour l’observation citoyenne des élections au Mali (COCEM), qui a déployé 1 000 observateurs sur le terrain.

Le West Africa Network for Peacebuilding (WANEP), avec 300 agents déployés, dresse pour sa part la liste de neuf localités sans opération de vote dans la région de Tombouctou.

Dans la région de Mopti, dans le centre du pays, plusieurs localités ont subi des attaques. A Kounari, dans le cercle de Mopti, le président d’un bureau de vote a été agressé. A Fatoma, dans le même cercle, un local de la sous-préfecture contenant du matériel électoral a été brûlé la nuit précédant le vote. A Gandamia, dans le cercle de Douentza, ce sont des agents électoraux qui ont été attaqués, empêchant le vote d’avoir lieu.

Les premiers résultats de ce premier tour sont attendus dans les 48 heures. Les résultats officiels provisoires doivent être proclamés au plus tard le 3 août, avant un éventuel second tour le 12 août.