Le président de la Fed, Jerome Powell, lors d’une conférence de presse à Washington, le 13 juin. / Yuri Gripas / REUTERS

La Réserve Fédérale américaine ne devrait pas remonter des taux d’intérêts mercredi 1er août (compris entre 1,75 et 2 %), mais se poser une question décisive alors que l’économie américaine tourne à pleine vapeur. Avec une croissance de 4,1 % au deuxième trimestre, un chômage limité à 4 % et une hausse des prix hors énergie et alimentation pile à 2 %, soit l’objectif que s’est fixé la Fed, les Etats-Unis connaissent-ils une surchauffe et un risque inflationniste ?

Comme à son habitude, Jerome Powell, le président de la Fed s’est montré très prudent mi-juillet. « Il est difficile de prévoir l’économie… Ce n’est pas factuel, comme l’eau bout à 100 degrés. L’économie ne bout pas à 4 % de chômage ». La Fed prévoit de remonter ses taux à deux reprises d’ici la fin de l’année, notamment en septembre. Elle cherche à atteindre une politique monétaire neutre, qui ne favorise ni ne freine la croissance. Cette perspective exaspère le président Trump, qui a critiqué pour la première fois la Fed : « Je n’aime pas voir tout ce travail qu’on fait pour l’économie et ensuite voir les taux monter », avait-il déclaré le 20 juillet sur la chaîne CNBC.

L’essentiel des voyants au vert

Au-delà de la rupture avec la tradition qui veut que le président des Etats-Unis ne commente pas la politique monétaire, cette phrase pose une vraie question : la politique économique de la Maison Blanche permet-elle de remonter le potentiel de croissance des Etats-Unis, qui pourrait continuer sur sa lancée sans qu’il soit nécessaire de remonter les taux ? « C’est le pari pris par Donald Trump », fait observer Thomas Julien, économiste à New York pour Natixis. L’augmentation du potentiel de croissance passe par la hausse de l’emploi et de la productivité.

Côté emploi, la remontée du chômage en juin de 3,8 % à 4 % était un bon signal : elle s’explique par le retour d’une partie de la population sur le marché de l’emploi. En parallèle, le taux de participation à l’emploi est remonté de 62,7 % à 62,9 %, tandis que les salaires restent modérés, avec un rythme de croissance de 2,7 %. Il y aurait donc encore de la main-d’œuvre mobilisable, à supposer que la politique de M. Trump n’entrave pas trop l’immigration.

Sur la productivité, l’idée de Donald Trump était de provoquer avec sa réforme fiscale, le rapatriement des profits des multinationales, et avec sa guerre commerciale et ses mesures de dérégulation, un choc d’investissement qui augmente la productivité (en petite hausse de 1,3 % l’an dernier). Sur ce point, l’investissement des entreprises a été fort, de 11,5 % au premier trimestre et de 7,3 % au second, mais il est largement dû à la reprise des investissements pétroliers. Il n’y a donc pas de miracle en vue.

La crainte d’un emballement

Si le scénario de la Maison Blanche ne se déroule pas comme prévu, l’avenir risque d’être douloureux. Selon le Congrès, réforme fiscale non financée oblige, le déficit budgétaire sera de 4,4 % du produit intérieur brut (PIB) en 2018 et 5,1 % en 2019. Une aberration après neuf ans de croissance qui privera le Trésor de marge de manœuvre en cas de récession. C’est dans ce contexte que la Fed est soupçonnée de vouloir augmenter ses taux le plus possible – au lieu d’être « neutre », M. Powell pourrait être un « faucon » masqué – pour disposer de plus de latitude pour les baisser ensuite.

Une récession se prépare-t-elle ? Nul ne peut exclure que la guerre commerciale provoque un choc de défiance, mais cette crainte n’apparaît pas massivement dans les indices de confiance, alors que M. Trump a signé un armistice avec les Européens. Autre signal, la courbe des taux est quasi plate. L’écart entre les taux à dix ans (3 %) et à deux ans (2,67 %) est au plus bas depuis une décennie. Les taux courts plus élevés que les taux longs sont souvent le signe avant-coureur d’une récession (le présent est plus risqué que le long terme). Mais à Wall Street, on ne veut pas voir les mauvais augures : il manquerait d’autres signaux récessifs, comme la remontée du chômage et la baisse des profits des entreprises. Face à ce casse-tête d’interprétation, M. Powell, lui, sait qu’il n’a pas droit à l’erreur.