Les studios de Vendargues abritent le tournage du nouveau feuilleton quotidien de France 2. / Fabien MALOT-FTV

Sous le soleil héraultais, un immense hangar. A l’intérieur, des palmiers, du bois, des techniciens en skateboard, le tout relevé de couleurs pastel. On se croirait en Californie – ou presque. « Ça a quand même un côté Los Angeles à la française », sourit Toma e Matteis. C’est ici, dans les studios de Vendargues, à quelques encablures de Montpellier, que le producteur a débuté, le 10 avril, le tournage d’Un si grand soleil, le futur feuilleton quotidien de France 2.

Face à Demain nous appartient sur TF1 et Plus belle la vie sur France 3, « la Deux » propose, à son tour, un « soap » de début de soirée, du lundi au vendredi. Celui-ci viendra compléter l’access prime time de la chaîne, à la rentrée. Produit par France.tv studio (anciennement MFP-Multimédia France Productions), le projet était dans les cartons de la chaîne publique depuis plus d’un an. Un choix audacieux au regard de l’offre actuel qui séduit chaque jour plusieurs millions de fidèles.

Mélanie Maudran, qui joue le rôle de Claire. / France TV

L’histoire est la suivante : Claire (Mélanie Maudran), 34 ans, revient à Montpellier, sa ville natale, après dix-sept ans d’absence, en compagnie de son fils Théo (Gary Guénaire). Aussitôt arrivée, elle se retrouve soupçonnée de meurtre. Pour se disculper, la jeune femme va devoir faire face à son passé, notamment la mort de sa sœur Angèle, alors fiancée à son amour de jeunesse, Julien (Jeremy Banster), qui a refait sa vie avec Alice (Maëlle Mietton). Tout un programme, au léger parfum de déjà-vu.

Du romanesque, du policier et un zeste d’humour : on retrouve les ingrédients principaux du feuilleton. Malgré un cocktail bien connu des téléspectateurs et une intrigue située dans le Sud de la France (comme Demain nous appartient et Plus belle la vie), France 2 entend bien se démarquer de ses homologues. A commencer par son scénario.

Le récit se concentrera sur deux familles uniquement au début de la fiction, avant d’ouvrir des arches narratives et, avec elles, d’introduire de nouveaux personnages. Car contrairement à Demain nous appartient, Un si grand soleil ne devrait pas tourner autour de quelques figures principales. Une quarantaine de protagonistes viendront s’ajouter à la trame du récit.

Tourné autant en extérieur qu’en intérieur, le feuilleton entend également se rapprocher de l’esthétique du téléfilm, agrémentée de passages musicaux. « On a voulu essayer de s’inspirer de ce qui fait la modernité des séries TV d’aujourd’hui », explicite Toma de Matteis, le producteur. Le but est de faire rêver le téléspectateur, mais aussi de le confronter à des situations auxquelles lui-même pourrait être confronté. Sophie Gigon, directrice de la fiction day-time de France 2, promet quant à elle une mise en scène « naturelle mais sophistiquée ». Pas question pour autant de verser dans un réalisme pur et dur. Selon Toma de Matteis, « pour que le spectateur passe un bon moment, il n’a pas besoin d’un miroir ». Exit donc les éléments d’actualité ou l’approche documentaire, caractéristique de l’« ultra-quotidien » de Plus belle la vie. Le feuilleton ambitionne tout de même de montrer la diversité – sociale et sexuelle – de la société française sans verser dans la surenchère ou le militantisme.

Piloté par une équipe de vingt-cinq auteurs orchestrée par Olivier Szulzynger (ancien scénariste de Plus belle la vie) Un si grand soleil se présente également comme une fiction intergénérationnelle. « L’objectif est de susciter le dialogue au sein des familles, que les gens en parlent entre eux. » Pour le producteur, c’est la condition sine qua non pour qu’un feuilleton ait de la persistance.

Bertrand Farge et Gary Guénaire. / France TV

La production a fait le choix de miser sur un casting choral, mélange de comédiens familiers des téléspectateurs : Valérie Kaprisky (L’Année des méduses), Chrystelle Labaude (Section de recherches) ou encore Fred Bianconi (Engrenages), et de nouveaux talents, comme Gary Guénaire qui incarne Théo.

Inconnu du grand public, le jeune homme a fait ses gammes au théâtre. C’est sa première expérience hors des planches. Et pour l’instant, il est ravi, même s’il le reconnaît : « Sur ce genre de production, on est quand même assez seul. L’ambiance est top, mais le tournage reste éprouvant ». Le jeune comédien voit cette expérience comme un tremplin. En tout cas, il crève déjà l’écran.

Si la plupart des acteurs du soap viennent des agences parisiennes, une partie du casting a également été délocalisée à Montpellier. Julien Masdoua, 44 ans, qui joue un personnage récurrent est originaire de la région. Selon lui, les castings des productions françaises sont encore trop parisiano-centrés. « En général dans les soaps, tous les comédiens viennent de Paris, les autres ont souvent de petits rôles », déplore-t-il.

Gabrielle Lazure / France TV

En produisant ce feuilleton quotidien, France 2 compte participer à l’économie – et à l’image – de la région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée. Le lieu a d’abord été choisi pour sa météo et la diversité de ses paysages : de la Grande Motte aux Cévennes. Montpellier est en outre une des villes françaises où il pleut le moins, contrairement à Bordeaux, autre destination phare des fictions de la Deux. Le feuilleton revendique ainsi un marquage local, jusque dans ses équipes (les intermittents sont originaires de la région) et ses équipements. « On s’engage à embaucher et à acheter local », complète Olivier Roelens, le producteur exécutif. Et d’ajouter : « Chaque service est une petite PME. » Une journée de tournage équivaut à un épisode, en théorie. Trois équipes travaillent ainsi chaque jour entre les différents lieux. Cela représente 200 à 250 personnes – toutes professions confondues.

Dans les studios de Vendargues, d’une surface de 16 000 m2, 2 500 abritent les décors du soap. Maisons, commissariat, zoo, appartements, tous plus vrais que nature, ajustés jusqu’au moindre détail. De la saleté, à l’usure du mobilier, en passant par le carrelage abîmé ou les prises électriques noircis par le temps, rien n’est laissé au hasard. Le maître mot est l’authenticité. Couper, scier, poncer puis abîmer : dans une des pièces encore en travaux, au sol, on s’active. « Parfois on tâtonne, parfois c’est très facile. Les décorateurs se fournissent sur le bon coin comme chez Emmaüs », explique Michel Blaise, ancien chef décorateur de Plus belle la vie.

Marie Clotilde Ramos Ibanez, Jennifer Dubourg Brancconi et Fred Bianconi. / Fabien Malot, France TV

Du côté des vestiaires, on s’active pareillement. Loges, salles d’essayage, successions de portants : une partie des studios est dévolue à l’habillement. Et là encore, chaque détail compte. Réalisme oblige, « un haut et un bas peuvent revenir d’un épisode à l’autre », explique la cheffe costumière, Agnès Giudicelli, elle aussi ancienne de Plus belle la vie. « Ça va de Emmaüs, des fripes, des magasins aux vêtements déjà portés, ce qui reste le mieux pour nous. »

Voitures électriques, matériaux recyclables, régulation de la climatisation : le projet est labellisé « éco production ». Les locaux de Vendargues devraient également servir à d’autres productions audiovisuelles estampillées France Télévisions. Ces dernières années, France 2 a doublé sa part de production interne pour atteindre les 12 %.

Le budget du feuilleton reste moins élevé que celui de Demain nous appartient : environ 100 000 euros par épisode, contre 138 000 pour le programme de TF1. 235 épisodes de 26 minutes ont déjà été commandés par la chaîne. Cinquante épisodes devraient être mis en boîte d’ici la rentrée. De quoi parer aux imprévus.