« Happiness Road », film d’animation taïwanais de Hsin Yin Sung. / EUROZOOM

L’avis du « Monde » - A voir

Si Happiness Road était une coupe de glace, ce serait sans hésiter une fraise melba. Forcément rose, crémeuse, rafraîchissante et sucrée. Et telle est, totalement assumée, l’esthétique du premier long-métrage d’animation de la réalisatrice taïwanaise Hsin Yin Sung, dont on est prêt à parier qu’elle n’a pas fini de nous étonner. Journaliste, photographe et écrivaine avant de devenir cinéaste, cette femme de 44 ans travaille actuellement sur un nouveau projet qui ne figurerait pas cette fois sur la carte d’un glacier, Love Is a Bitch (« l’amour est une pute »), en ­prises de vues réelles.

Avis aux potentiels spectateurs : ne pas se laisser décourager par l’abondance de références enfantines. La route est longue (une heure cinquante et une minutes) et la voie lactée, mais le périple vaut le détour pour ceux qui seraient curieux de (re)visiter l’histoire de Taïwan de ces quarante dernières années, au détour d’une fiction autobiographique – en partie seulement. L’île, chinoise sous tutelle américaine au lendemain de la seconde guerre mondiale, s’est ouverte au monde extérieur à la fin des années 1970. Mais il a fallu attendre 1996 pour qu’elle connaisse ses premières élections.

Retour aux racines

Le trajet de l’héroïne du film, Lin Su-chi, une femme de 43 ans partie s’installer aux Etats-Unis, se mêle à l’Histoire avec un grand H. La voici de retour à Taïwan alors qu’elle vient de perdre sa grand-mère adorée. Véritable matriarche, d’origine aborigène, la mamie avait aussi la réputation d’une « sauvage » aux yeux de la société, du fait de ses coutumes.

C’est tout un petit monde qui est croqué, d’un trait faussement naïf

Revenant dans son quartier de Happiness Road, Lin Su-chi est traversée par ses souvenirs, et par ses doutes. Elle est née le jour de la mort de Tchang Kaï-chek (le 5 avril 1975), qui avait instauré une dictature sur l’île depuis 1949, après avoir été vaincu en Chine continentale par Mao Zedong. ­Petite fille, puis adolescente, elle a vécu les années de transition vers la démocratie. A l’école, on l’obligeait à s’exprimer en mandarin, alors qu’elle parlait taïwanais avec ses amis et sa famille. L’héroïne se sent un peu « banana split », coupée en deux comme la banane entre ses racines et sa vie américaine, qui s’avère ne pas être tout à fait un rêve. C’est tout un petit monde qui est croqué, d’un trait faussement naïf.

Qu’est-ce qu’être heureux ? Il ne suffit pas, comme la mère le répétait, d’avoir bien mangé. La prise de distance avec les parents n’empêche pas un certain rapprochement. Happiness Road est une histoire de focale et de regards. Nous voici embarqués sur un toboggan géant, avec ses virages qui nous emmènent loin dans le temps, puis nous recatapultent dans l’autre dureté du monde contemporain. Et les enfants d’aujourd’hui crient toujours, de joie ou d’effroi.

Happiness Road - Bande-annonce - Au cinéma le 1er août
Durée : 01:12

Film d’animation taïwanais de Hsin Yin Sung (1 h 51). Sur le web : www.facebook.com/HappinessRoadLefilm