Marlène Schiappa à l’Assemblée nationale. / LAURENCE GEAI POUR LE MONDE

L’Assemblée nationale a définitivement adopté mercredi 1er août le projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes, prévoyant notamment la verbalisation du harcèlement de rue, après plusieurs mois de débats au Parlement et dans la société sur ces questions particulièrement sensibles depuis l’affaire Weinstein.

Au lendemain d’un vote au Sénat, les députés ont clos le processus législatif, avec 92 voix en faveur de la version rédigée en commission mixte paritaire sur 100 votants. Aucun député n’a voté contre.

En plus de la verbalisation du harcèlement sexuel dans l’espace public, le texte défendu par la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa prévoit l’allongement de vingt à trente ans du délai de prescription pour les viols de mineurs et comporte des mesures contre le cyberharcèlement.

Pas de présomption de non-consentement

Le texte précise, en outre, que « lorsque les faits sont commis sur un mineur de 15 ans », « la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes ». Cette contrainte morale peut résulter « de la différence d’âge existant entre la victime et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime, cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d’âge significative entre la victime mineure et l’auteur majeur ».

Cette formulation entend aider les juges à établir un viol. Mais elle est loin de l’intention initiale d’instaurer une « présomption de non-consentement », qui impliquait que toute pénétration sur un mineur de moins de 15 ans était automatiquement considérée comme un viol.

Pour l’exécutif, cette automaticité, très attendue par les associations de défense des droits des femmes et des enfants, risquait d’être rejetée par le Conseil constitutionnel.

Le gouvernement avait renoncé à instaurer une mesure d’« atteinte sexuelle avec pénétration », très contestée, ses opposants craignant qu’elle ne conduise à minorer les faits de viol.

L’opposition se dit déçue

C’est « un projet ferme, équilibré et assurément bien plus protecteur que la législation actuelle », a déclaré Marlène Schiappa, chargée au sein du gouvernement de l’égalité entre les femmes et les hommes, rappelant au passage qu’Emmanuel Macron avait érigé le sujet en « grande cause nationale » du quinquennat.

Mais ce n’était pas l’avis de la droite ni de la gauche, qui tout en votant le texte ou en s’abstenant, ont dénoncé « une portée décevante » (Sophie Auconie, UDI-Agir) ou « de la communication plus que l’action » (Emmanuelle Anthoine, LR).

Pour Clémentine Autain (La France insoumise), la version finale est « misérable vis-à-vis des enjeux ». « Il n’y a pas (…) dans ce texte de vision globale. S’il y a du viol, s’il y a du harcèlement et s’il y a des agressions sexuelles, c’est parce que nous vivons dans une société où la domination masculine reste prégnante », a-t-elle jugé. Et, a poursuivi la députée, « il n’y a pas non plus d’inversion de charge de la preuve dans le cas des jugements de viols sur mineurs ».