Les participants du Royaume-Uni lors de la cérémonie d’ouverture des Gay Games 2002 à Sydney. / GREG WOOD / AFP

Six ans avant les JO 2024, Paris accueille l’une des plus grandes manifestations sportives au monde. La dixième édition des Gay Games, qui réunit près de 10 300 participants, se déroule du 4 au 12 août pour la première fois dans une ville francophone. Manuel Picaud, coprésident de l’événement, revient sur la dimension inclusive et militante de ces « Mondiaux de la diversité ».

La manifestation s’appelle Paris 2018, et Gay Games en est le sous-titre. Quel est le nom exact ?

L’association qui organise se nomme Paris 2018, et l’événement s’appelle les Gay Games. C’est donc pour cela que l’on utilise à la fois Paris 2018 et Gay Games, qui n’est donc pas un sous-titrage. S’il devait y avoir un sous-titre, ça serait plutôt « les Mondiaux de la diversité » ou « des Jeux pour le respect ». Ce sont deux de nos slogans, car l’idée est de bien spécifier que l’événement est ouvert à tout le monde, sans aucune exclusion ni sélection. Ce sont les Jeux les plus ouverts au monde en matière sportive, culturelle et humaniste.

Souvent, les moins informés critiquent les Gay Games comme un événement fermé…

Lutter contre les discriminations, c’est poser les bons termes et sortir des cadres les plus normatifs. Effectivement, des Jeux gay, cela peut paraître étonnant de prime abord, cela interpelle, mais le but depuis l’origine en 1982 est d’alerter sur le fait que les athlètes LGBT sont totalement invisibles ou presque dans le sport. Ce n’est pas communautariste, car c’est ouvert à tout le monde. On montre que l’on peut faire du sport tous ensemble.

C’est l’homophobie plus ou moins affichée de certaines personnes qui les conduit à affirmer que les Gay Games sont non laïcs et non citoyens. C’est exactement l’inverse, avec des milliers de bénévoles et de participants.

A-t-on une idée du nombre de participants qui sont des sportifs de haut niveau ?

Nous sommes soutenus par la ministre Laura Flessel, l’ancien footballeur Lilian Thuram, la basketteuse Emmeline Ndongue, qui participera en tennis, ou le champion paralympique Ryadh Sallem. L’Anglais Ryan Atkin, le seul arbitre international ouvertement gay, officiera durant la finale des compétitions de football. Nous avons aussi un judoka olympique portugais. Pour le reste, il est assez compliqué de savoir. Il y en a traditionnellement et ça se verra vite pendant les compétitions. Nous avons tous types de participants, ceux qui viennent avec une idée de loisir en tête, ceux qui viennent pour la victoire. Cette variété est intéressante.

Dans le sport d’élite, il y a encore beaucoup de travail à faire…

Le sport moderne a été bâti à la fin du XIXe siècle sur des normes viriles et patriotiques. Notre vision du sport est totalement différente, il s’agit d’un sport convivial, basé sur l’inclusion, la participation et le dépassement de soi. Un sport qui est véritablement ouvert à tous les âges, à tous les genres, à toutes les personnes en situation de handicap. A nous d’adapter les compétitions pour que chacun prenne du plaisir. Par exemple, aux Gay Games, une personne transsexuelle choisit le genre dans lequel elle veut s’aligner, ce n’est pas nous qui lui assignons d’office un genre. De la même manière, on promeut le sport non genré, c’est-à-dire mixte.

Est-il possible d’avoir une idée du nombre de participants hétérosexuels aux Gay Games ?

Les informations que l’on a le droit de demander aux gens ne permettent pas de le savoir. Ils n’empêchent qu’on le saura après, car avec les lois américaines qui sont plus légères sur ces sujets, la fédération des Gay Games va effectuer un sondage auprès de l’ensemble des participants. Notre souhait a été de nous assurer de la diffusion du message au plus grand nombre en passant par exemple par des associations sportives étudiantes mais aussi de lutte contre les discriminations.

Dès l’origine, les Gay Games ont eu une dimension militante, notamment dans la prise de conscience du fléau du sida…

Les Gay Games sont nés en 1982, pratiquement au démarrage de la pandémie. Le fondateur est mort des suites du sida en 1987. Il y a toujours eu un regard important sur la maladie, le désir de faire participer les personnes séropositives, leur donner de la visibilité et également ne jamais oublier les victimes. D’ailleurs, la première manifestation samedi matin sera la course mémorielle Rainbow Run, de l’Hôtel de Ville aux Tuileries, afin de se remémorer toutes les personnes victimes de la pandémie et inciter les gens à se protéger.

A l’origine, dans les années 1980, le mouvement olympique a interdit aux Gay Games d’utiliser le terme « olympique ». Aujourd’hui, ne sont-ils pourtant pas ce qui se rapproche le plus de l’esprit originel ?

Nous avons 10 300 participants, autant que les Jeux olympiques. Dans l’esprit du créateur, le docteur Tom Waddell [sixième des JO de1968 en décathlon], les Gay Games devaient s’inspirer du modèle antique. D’ailleurs, les délégations s’organisent non pas par pays mais par ville. Il n’y a aucune référence patriotique, un seul hymne national sera joué, celui de la France pendant la cérémonie d’ouverture et il n’y a jamais de drapeaux hissés pour célébrer une victoire. Il y a une dimension culturelle et festive puisque l’on pense que l’activité humaine doit être variée.

Après, les relations avec le CIO se sont largement améliorées ces dernières années, de nombreuses fédérations sportives olympiques nous soutiennent dans l’organisation. Nous remettrons, à la fin des Gay Games, à Paris 2024 et aux différentes fédérations dix-huit propositions pour promouvoir le sport universel et pour tous.

Les Etats-Unis ont organisé plus de la moitié des Gay Games. L’édition 2022 se déroulera pour la première fois en dehors du monde occidental à Hongkong. L’universalisation est-elle la prochaine étape ?

Il y a 91 nations représentées sur cinq continents. Il y a une délégation australienne de 650 personnes, 150 personnes de la Chine et des alentours, 3 400 Américains, 2 400 Français et beaucoup d’Européens. Comme vous l’avez dit, la prochaine édition à Hongkong est un pas supplémentaire dans la direction de l’universalité. Paris 2018 était déjà une première dans une capitale nationale et dans une ville francophone par rapport aux éditions anglo-saxonnes précédentes. Il y a de nombreuses villes candidates, quinze villes l’an passé, dont des villes en Amérique latine, en Afrique et au Moyen-Orient. Au fur et à mesure que le monde s’ouvre à l’égalité des droits, il sera plus facile d’aller dans d’autres destinations. Le but est bien entendu que l’événement soit véritablement planétaire.

Vous avez participé à quatre éditions, avec notamment une médaille d’argent en saut en longueur en 1998. Quelle expérience en avez-vous retenu ?

Les Gay Games ont changé ma vie. J’étais assez surpris qu’un tel événement existe lorsque mon compagnon me l’a fait découvrir à l’époque. Lorsque j’ai défilé dans le stade de l’Ajax, à Amsterdam, pour la cérémonie d’ouverture en 1998, j’ai été pris d’une bouffée d’estime personnelle, de joie et de réconfort : nous étions acclamés et nous avions l’impression d’être acceptés. J’en garde encore une énergie incommensurable.

Du 4 au 12 août, 36 sports, 150 compétitions, 91 pays représentés : le programme détaillé et les sites de compétition