Lisa Brennan-Jobs en août 2005. / Lisa Brennan-Jobs / (CC BY 3.0)

Il ne l’a pas reconnue pendant plusieurs années. Mais c’est pourtant à lui, son père, que Lisa Brennan-Jobs, a consacré une partie importante de son autobiographie.

Dans Small Fry, à paraître le 4 septembre aux Etats-Unis et dont Vanity fair a publié des extraits en avant-première le 2 août, la journaliste de 40 ans détaille leur relation complexe, faite à la fois de remarques cruelles et de gestes pudiques de tendresse.

  • « Je suis l’une des personnes les plus importantes que tu connaîtras jamais »

Lisa Brennan-Jobs naît au printemps 1978, alors que ses parents ont 23 ans. Son père ne la reconnaît pas et brille par son absence. Sa mère, Chrisann Brennan, lutte pour joindre les deux bouts, tour à tour femme de ménage et serveuse.

En 1980, elle décide d’attaquer en justice Steve Jobs, afin d’obtenir une pension alimentaire. Ce dernier continue de refuser de reconnaître sa fille, jurant qu’il est stérile et qu’un autre homme est le père… Des affirmations qui seront démenties par un test ADN effectué quelques mois plus tard.

La cour de justice oblige alors le créateur d’Apple à payer une pension alimentaire pour sa fille. L’occasion pour ce dernier de lui rendre visite pour la première fois depuis sa naissance.

« “Tu sais qui je suis ?”, me demanda-t-il. (…)
J’avais 3 ans, je ne le savais pas.
“Je suis ton père” (“comme s’il était Dark Vador”, m’a dit ma mère plus tard, quand elle m’a raconté cette histoire)
“Je suis l’une des personnes les plus importantes que tu connaîtras jamais”, avait-il ajouté. »
  • « Tu sens les toilettes »

Quelques mois avant la mort de son père, Lisa Brennan-Jobs lui rend visite. L’atmosphère est pesante dans la maison du créateur d’Apple, car outre la grave maladie de son père, elle doit faire face au désintérêt de sa belle-famille, qui ne répond pas toujours à ses salutations. Elle se réfugie donc dans les toilettes, seule pièce où elle ne risque pas de les croiser. Elle y trouve une bouteille d’eau de rose et s’en asperge.

« Quand je suis revenue dans sa chambre, il était en train de se lever. (…) Quand nous nous sommes enlacés, je pouvais sentir ses vertèbres, ses côtes. Il sentait le renfermé, la sueur.
“Je serai de retour bientôt”, lui dis-je.
L’étreinte se relâche et je commence à m’éloigner.
“Lis ?
— Oui ?
— Tu sens les toilettes.” »
  • Steve Jobs a appelé l’un de ces ordinateurs du nom de sa fille, malgré ses nombreuses dénégations

L’un des premiers ordinateurs développés par Apple, sorti en 1983 (soit trois ans après le test ADN), avait pour nom Lisa. Officiellement, il s’agissait d’un acronyme (Local Integrated Software Architecture). Mais sa fille, enfant, était persuadée qu’il s’agissait d’une référence à son prénom, sans pour autant oser le demander à son père.

Ce n’est que plus tard, alors qu’elle est au lycée, qu’elle se risque à l’interroger.

« “Nan”, [lui avait-il répondu]. Sa voix était sèche, dédaigneuse. Comme s’il pensait que je quémandais un compliment. “Désolé, petite.” »

Une dizaine d’années plus tard, Steve Jobs change pourtant de version, lors d’un déjeuner à Eze (Alpes-Maritimes), dans la villa du chanteur de U2 Bono.

« [Après avoir discuté des débuts d’Apple], Bono demande “Alors, est-ce que l’Apple Lisa tire son nom d’elle ?”
Un ange passe. Je me préparais à sa réponse, que je pensais connaître.
Mon père hésita, regarda son assiette un long moment puis planta son regard dans celui de Bono.
“Oui, c’est le cas”, dit-il. »

Comment Jobs a préparé Apple à son départ
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