Charles Malinas, alors ambassadeur de France, en visite dans un camp de déplacés de la région de Bossangoa, dans le nord de la République centrafricaine, en janvier 2014. / ERIC FEFERBERG / AFP

Charles Malinas a débarqué à Bangui pour prendre ses fonctions d’ambassadeur le 3 décembre 2013. L’opération militaire française « Sangaris » était alors sur le point d’être lancée. La République centrafricaine brûlait. Pour ce fonctionnaire féru d’allemand et précédemment passé par le cabinet de la ministre déléguée à la francophonie Yamina Benguigui, ce fut un authentique baptême du feu. Il est finalement resté en poste jusqu’en août 2016, avant d’être nommé à Prague. Cette dernière affectation fut de bien plus courte durée. En décembre 2017, Charles Malinas est rappelé à Paris puis, le 7 mars 2018, mis à la retraite d’office.

Le diplomate a été entendu, jeudi 2 août, par le Conseil d’Etat devant lequel il conteste cette mesure, décidée par le ministère des affaires étrangères et décrétée par le président de la République. Patrick Maisonnave, représentant du Quai d’Orsay, lui reproche un laxisme dans la délivrance des visas. Charles Malinas aurait en effet, selon le ministère, accordé « au moins 730 visas » contenant de nombreuses irrégularités.

« Quand M. Malinas est arrivé en Centrafrique, la situation était très urgente. Il fallait à tout prix éviter le bain de sang. La délivrance de visas n’était pas la priorité », explique son avocat, Me Guénaire. Pour lui, cette politique était nécessaire compte tenu de la situation du pays, en proie à la guerre civile. La communauté musulmane vivait sous la menace constante des milices antibalaka, raison pour laquelle ses membres représentent la grande majorité de ceux qui ont bénéficié d’un visa.

« Pas motivés par des raisons financières »

« La quasi-totalité des Centrafricains qui ont vu leur demande de visa acceptée ont obtenu, dans un second temps, le statut de réfugié », affirme le défenseur de Charles Malinas. Une preuve, selon lui, que leur demande était justifiée. 

Le ministère des affaires étrangères le reconnaît : la mission de Charles Malinas était « des plus difficiles ». Mais cette explication ne serait, selon son représentant, pas suffisante pour justifier les irrégularités constatées. Patrick Maisonnave évoque « une complaisance » vis-à-vis d’une partie de la population. « Ses agissements n’étaient pas motivés par des raisons financières, ni par un mauvais fonctionnement global de l’ambassade, mais par de pures raisons personnelles. On n’a jamais vu ça ! », s’exclame-t-il.

Un autre point est ensuite soulevé par Me Guénaire : le manque d’expérience de son client. « A son arrivée à Bangui, Charles Malinas n’a pas été véritablement formé comme tout nouvel ambassadeur doit l’être. C’était, par ailleurs, son premier poste d’ambassadeur. Et il n’a jamais été consul : il ne connaissait pas le fonctionnement du système consulaire, qui délivre des visas », continue l’avocat.

Selon le représentant du Quai d’Orsay, Charles Malinas aurait par ailleurs eu des comportements déplacés vis-à-vis de ses collaborateurs à Bangui. M. Maisonnave parle ainsi de « pressions » subies par des fonctionnaires de l’ambassade pour que les demandes de visas soient acceptées. « Je ne ferai croire à personne que j’ai bon caractère. Oui, je suis rugueux. Mais je n’ai jamais terrorisé quiconque à l’ambassade. Et je n’ai jamais trahi mon pays. C’est une honte que d’avancer cela », conclut Charles Malinas. La décision du Conseil d’Etat doit être annoncée avant la mi-août.