Pixels a sélectionné huit livres permettant de mieux comprendre Internet et ses enjeux actuels. / MARGAUX MAUREL / LE MONDE

Des données personnelles à l’idéologie de la Silicon Valley, en passant par l’Internet « physique » et la liberté d’expression : Pixels a sélectionné huit livres balayant les grandes problématiques d’Internet aujourd’hui. Certains d’entre eux n’ont, malheureusement, pas encore été traduits en français.

  • « Celui qui pourrait changer le monde », d’Aaron Swartz

Aaron Swartz s’est suicidé à l’âge de 26 ans. Mais cet étudiant surdoué avait eu le temps de devenir l’un des plus féconds et influents penseurs du numérique. Accès à la connaissance, travail collaboratif, liberté d’expression, désinformation, conflits… Rares sont les domaines sur lesquels il n’a pas écrit, parfois avec une forme de naïveté, souvent avec une prescience impressionnante, et toujours de manière intéressante.

Celui qui pourrait changer le monde, préfacé par son mentor et ami Lawrence Lessig, compile ses textes majeurs – tous disponibles librement sur Internet, de manière éparpillée et pas toujours en français. Une lecture indispensable pour comprendre les principaux fondements idéologiques qui animent, encore aujourd’hui, les défenseurs de la culture libre et de la vie privée.

Celui qui pourrait changer le monde, Aaron Swartz, 2017, B42 Eds, 23 euros.

  • « Code et autres lois du cyberespace », de Lawrence Lessig

Que se passe-t-il quand la loi, qui n’est jamais qu’une forme de code, entre en conflit avec le code informatique ? A travers l’exemple du droit d’auteur, ce livre fondateur se penche sur la manière dont la loi peut évoluer lorsque la technologie vient bouleverser les pratiques.

Examinant à la fois les implications éthiques, juridiques et techniques de l’apparition du Web, ce livre reste, près de vingt ans après sa publication, une référence indispensable. Les non-anglophones pourront lire en français un autre texte de référence de Lawrence Lessig, Code is Law ou Le Code fait loi.

La version actualisée du livre, renommée Code version 2.0, est disponible gratuitement sous licence Creative Commons, en anglais.

  • « Tout le monde ment... (et vous aussi !) », de Seth Stephens-Davidowitz

Pour comprendre le pouvoir qu’ont acquis, en quelques années, les géants du numérique, on peut se plonger dans leur fonctionnement, leur histoire et leur économie. Tout le monde ment ne fait rien de tout cela. Sa démarche est même inverse : Seth Stephens-Davidowitz aborde la question par la face utilisateurs. En montrant, page après page, à quel point nous confions tout de nous-même, y compris nos questionnements les plus intimes et existentiels.

En analysant les données collectées par le moteur de recherche, disponibles dans l’outil Trends, Tout le monde ment offre toute une série de pistes de recherches passionnantes sur la sexualité, la politique ou l’économie. Et apporte la démonstration que si nous mentons tous, tout le temps, les géants du Web nous connaissent parfois bien mieux que nous nous connaissons nous-mêmes.

Tout le monde ment... (et vous aussi !), Seth Stephens-Davidowitz, 2018, Alisio, 24 euros.

  • « Smart », de Frédéric Martel

Internet est un réseau de réseaux. C’est vrai au point de vue technique ; ça l’est tout autant au niveau culturel. Dans Smart, Frédéric Martel explore les spécificités locales, les combats linguistiques et les batailles culturelles, religieuses ou politiques qui agitent le monde en ligne. Une lecture utile pour ne pas oublier que le Web est loin d’être un objet monolithique, qu’il y a une vie en dehors des grandes plateformes américaines, et que l’avenir du réseau mondial se dessine aussi et surtout au niveau local.

Smart, Frédéric Martel, 2015, Flammarion, 20 euros.

  • « Pour tout résoudre cliquez ici », d’Evgeny Morozov

Evgeny Morozov n’aime pas beaucoup les géants du Web. Plus globalement, il n’aime pas qu’on essaie de lui faire croire que la technologie est la solution à tous nos problèmes, surtout lorsque ces derniers sont politiques. Dans Pour tout résoudre cliquez ici, il développe le concept de « solutionnisme » pour décrire ce phénomène essentiel de la Silicon Valley, qui approche les sujets politiques comme des problèmes d’ingénierie, avec des conséquences désastreuses.

Erudit et provoquant, clairement ancré à gauche, ce livre fait partie, que l’on soit d’accord ou non avec ses conclusions, des lectures essentielles pour réfléchir aux nouveaux centres de pouvoir.

Pour tout résoudre cliquez ici, FYP Editions, 2014, Evgeny Morozov, 22,50 euros.

  • « Chaos Monkey », Antonio Garcia Martinez

Antonio Garcia Martinez est, d’une certaine manière, un « repenti ». Dans Chaos Monkey, il raconte sa vie de start-upeur un peu escroc sur les bords, et le chemin qui l’amena à travailler durant deux ans au service publicité de Facebook. Une plongée brutale et directe dans le fonctionnement du plus grand réseau social au monde, cynique à souhait, et un témoignage rare. Seul regret : ce livre en anglais n’a pas encore été traduit en français.

Chaos Monkey, Antonio Garcia Martinez, Harper, 2016, 15 euros.

  • « Dragnet Nation », Julia Angwin

La journaliste Julia Angwin s’interroge : qui capte mes données personnelles ? Pourquoi ? Qu’en font-ils ? Elle entreprend dans ce livre une plongée vertigineuse et personnelle dans un écosystème où la donnée personnelle est une marchandise, un nouvel or noir exploité sans garde-fous par les gouvernements et les entreprises. Est-il possible de se protéger de cette collecte massive et invisible ? L’auteure tente en tout cas de le faire et en tire des leçons fondamentales pour l’avenir de nos sociétés aiguillées par les données. En anglais.

Dragnet Nation, Julia Angwin, Griffin, 2015, 20 euros.

  • « Tubes », Andrew Blum

Que se passe-t-il derrière son modem ? Quel chemin a emprunté la vidéo que l’on vient de regarder, avachi sur son canapé ? Comment ce mail a-t-il traversé deux océans et un continent avant d’atterrir sur son ordinateur ? Andrew Blum a remonté les tuyaux d’Internet, arpenté les « datacenters », des hangars à données, visité les « Internet exchange », les nœuds du réseau, discuté avec les architectes et les petites mains d’Internet pour dessiner une géographie bien physique, faite de béton, de câbles, de fibres et de cuivre, à un réseau tout sauf virtuel. En anglais.

Tubes, Andrew Blum, Penguin Books, 2013, 25 euros.