Prendre de la distance. A la sortie du dernier conseil des ministres de la saison, vendredi 3 août, Emmanuel Macron a été formel : les vacances sont faites avant tout pour « se reposer ». Même si le chef de l’Etat a également incité les membres du gouvernement à rester « en veille permanente pour préparer la rentrée ».

Après une année de travail intense, le président de la République, son premier ministre, Edouard Philippe, et tous les ministres ont donc pris le chemin des villégiatures. Loin de Paris et des derniers soubresauts de l’affaire Benalla. A la merci d’un incendie ravageur ou d’une canicule meurtrière, ils savent néanmoins qu’on peut les rappeler à tout moment, si l’actualité l’exige. « Un ministre de l’intérieur n’est jamais vraiment en vacances », juge-t-on Place Beauvau. Le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, qui devait partir pour le Vercors avant de rejoindre le Sud-Ouest, avec sa famille, tient à faire savoir qu’il reste à pied d’œuvre.

Même vigilance pour Agnès Buzyn. La ministre de la santé ne devait quitter Paris que lundi 6 août, pour veiller sur les Français en ces temps de fortes chaleurs. Son dernier week-end parisien fut studieux, entre les Gay Games, qui rassemblent des sportifs homosexuels dans la capitale, et une visite au service pédiatrique de Necker. Mme Buzyn a déjà prévu de visiter un autre hôpital sur son lieu de vacances, en Corse. Elle n’a pas l’intention de débrancher, « bien au contraire », précise son entourage.

Le secrétaire général du gouvernement, Marc Guillaume, a demandé à tous les ministres d’être joignables et de pouvoir revenir rapidement en cas de problème. Pour autant, rien ne les empêche de quitter la France, contrairement à ce que Nicolas Sarkozy avait voulu imposer à ses troupes. « Alain Juppé [qui était alors aux affaires étrangères] lui avait rétorqué : “Je pars où je veux », s’esclaffe un conseiller de Matignon. Quoi qu’il en soit, « la continuité de l’Etat est assurée dans les cabinets ministériels », précise Matignon.

Si tous se disent mobilisables, certains assument plus que d’autres leur besoin de détente. Edouard Philippe, qui souhaite rester discret sur sa destination aoûtienne, n’a pas « les vacances honteuses », fait-on savoir à Matignon. Le chef du gouvernement, auteur d’un ouvrage sur la littérature (Des hommes qui lisent, JC Lattès, 2017), est parti avec quatre livres, dont deux parlent d’histoires de conquête et d’Italie – La San-Felice, écrit par Alexandre Dumas durant son séjour à Naples, et The Normans in the South, de l’historien britannique John Julius Norwich, qui revient sur la période normande de la Sicile. L’ancien maire du Havre emporte aussi avec lui Une odyssée, de l’écrivain américain Daniel Mendelsohn, qui plonge dans la complexité des relations père-fils avec, comme toile de fond, une analyse littéraire de l’épopée d’Ulysse, et L’Insoutenable Légèreté de l’être, de Milan Kundera.

Le goût de la détente

« Toute l’année, le président et le premier ministre dictent mon agenda, pendant les vacances, ce sont mes enfants », âgés de 4 et 6 ans, sourit de son côté Benjamin Griveaux, qui ne boude pas son plaisir. « Ma femme lit beaucoup, elle m’a sélectionné des romans pour l’été », poursuit le porte-parole du gouvernement. A commencer par son « coup de cœur » de l’année, Le Lambeau (Gallimard), du journaliste Philippe Lançon, rescapé des attentats de Charlie Hebdo. Dans un genre plus léger, le ministre s’est quand même choisi une lecture, La Terre des morts (Albin Michel), de Jean-Christophe Grangé, « sur les bas-fonds érotico-sexuels parisiens ». Quel bonheur de « lire autre chose que des notes ! », sourit-il.

« Les vacances, c’est aussi un moment pour prendre du recul. Et je pars avec des amis qui ne sont pas du tout dans la sphère politique », dit encore M. Griveaux. Après quelques jours dans sa Bourgogne natale et sa maison à Givry, il goûtera aux plaisirs de la plage, près de Ramatuelle, dans le Var. Au programme, « tennis et châteaux de sable », précise-t-il, sans dire s’il suivra les recommandations de la secrétaire d’Etat Brune Poirson de bien choisir sa crème solaire pour ne pas abîmer les coraux.

« Prendre du recul », c’est aussi ce dont se réjouit Muriel Pénicaud, qui a prévu de se partager, avec famille et amis, entre sa maison dans la baie de Somme, le nord de l’Italie et le Sud-Ouest. Marcher, nager, s’adonner à son hobby favori, la photo : la ministre du travail a le goût de la détente. Et pour mieux déconnecter, elle s’est acheté un recueil de poésie japonaise.

De son côté, Marlène Schiappa n’a pas envie de décrocher. A Marseille, dans sa belle famille, où elle passera sa première semaine de congés, la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes a déjà prévu une réunion avec Alexandra Louis, rapporteuse de la loi sur les violences sexuelles et sexistes, qui vient d’être votée à l’Assemblée nationale. En Corse, Mme Schiappa compte écrire et réfléchir à son prochain livre. « Mon père sera là, il écrira son livre sur l’anticléricalisme, et mon mari travaillera à un livre sur le management », explique-t-elle. Vacances studieuses, donc, pour toute la famille.