Editorial du « Monde ». Au-delà de ses Tweet en lettres majuscules et de ses rodomontades, le président des Etats-Unis a, plus souvent qu’on ne le dit, de la suite dans les idées – si aléatoires voire périlleuses soient-elles. Son contentieux avec l’Iran en témoigne. C’est, en effet, une guerre d’usure que Donald Trump a engagée avec Téhéran. Il la poursuit méthodiquement.

Guerre diplomatique, d’abord. Le candidat Trump n’avait pas eu de mots assez durs – un « torchon » – pour fustiger l’accord sur le gel et le contrôle du programme nucléaire iranien signé à Vienne, en juillet 2015, avec la République islamique par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies (Etats-Unis, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne), auxquels s’était associée l’Allemagne. Le 8 mai, en dépit du respect avéré par les Iraniens des clauses de l’accord et des appels à la retenue émis par les Européens, il a donc décidé unilatéralement de se retirer de cet accord.

Guerre psychologique, ensuite. Ces dernières semaines, le ton est monté dangereusement entre Washington et Téhéran. Le 22 juillet, le président iranien, Hassan Rohani, mettait en garde les Etats-Unis : « L’Amérique devrait savoir que la paix avec l’Iran est la mère de toutes les paix et que la guerre avec l’Iran est la mère de toutes les guerres. » Réponse de Donald Trump : « Ne menacez jamais plus les Etats-Unis ou vous paierez des conséquences comme peu en ont connu à travers l’Histoire. »

Guerre économique, surtout. Sortant de l’accord de Vienne, Washington a décidé de rétablir de façon graduée des sanctions à l’encontre de Téhéran, assorties d’efficaces menaces de rétorsion contre toute entreprise, européenne notamment, qui chercherait à les contourner. Depuis le 6 août, les blocages visent les transactions financières, les importations de matières premières et les secteurs de l’automobile et de l’aéronautique. Ce n’est qu’un début : en novembre, ce sont les exportations de pétrole, vitales pour l’économie iranienne, qui feront l’objet du blocus américain. En outre, depuis le mois d’avril, la monnaie iranienne s’est dépréciée de plus de moitié par rapport au dollar, menaçant d’asphyxier plus encore Téhéran.

Manifestations sporadiques

C’est donc le cœur de l’accord de Vienne qui est frappé : le président Rohani avait promis aux Iraniens l’ouverture économique et la prospérité retrouvée en échange du gel du programme nucléaire. Cet espoir est mort, à l’évidence. Les Iraniens l’ont bien compris, tant l’inquiétude est lourde et la nervosité palpable à Téhéran et dans de nombreuses villes du pays, où des manifestations sporadiques se sont développées depuis le début de l’année.

Reste que la suite est imprévisible. Trump voulait isoler l’Iran ? L’opération est en bonne voie. Escompte-t-il, dans la foulée, acculer Téhéran à renégocier un accord beaucoup plus dur et contraignant que celui de 2015 ? Les responsables iraniens ont, pour l’heure, écarté catégoriquement une telle éventualité. Espère-t-il déstabiliser, voire inciter au renversement du régime des mollahs ? Tout semble démontrer, au contraire, que celui-ci est en mesure de réprimer ou de juguler tout mouvement de révolte.

Plus sûrement, Washington entend faire admettre à l’Iran, selon les termes du secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, qu’il n’aura « plus jamais carte blanche pour dominer le Moyen-Orient », par l’intermédiaire de ses milices au Liban, en Syrie, en Irak ou au Yémen. C’est risqué, a mis en garde le président Rohani, de jouer dangereusement « avec la queue du lion ».

Pourquoi Trump veut-il en finir avec l’accord sur le nucléaire iranien ?
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