Parce qu’il n’y a pas que Neymar, Kylian Mbappé, l’OM et les tweets de Jean-Michel Aulas, Le Monde vous présente tous les jours d’ici à la reprise du championnat (vendredi 20 h 45 avec Marseille-Toulouse) les cinq autres acteurs à suivre lors de cette nouvelle saison de Ligue 1.

« Si Yoann avait continué sa carrière “normalement”, il ne serait pas à Dijon. » Olivier Dall’Oglio est un entraîneur heureux mais lucide. Sur le papier, la signature de Yoann Gourcuff à Dijon est l’un des beaux coups du mercato estival en Ligue 1. C’est aussi un petit accident de l’histoire. La trajectoire de l’ancien international (31 sélections) n’aurait jamais dû croiser celle du Dijon Football Côte-d’Or (DFCO), club en vert né en 1998 de la fusion du Dijon FC et du Cercle sportif laïque dijonnais. Sauf que les choses ne sont pas passées comme prévu dans la carrière du milieu de terrain de 32 ans propulsé – malgré lui – comme tête de gondole du football français à la fin des années 2000.

Retour en arrière. Le 25 août 2010, Jean-Michel Aulas voit les choses en grand pour sa nouvelle recrue. Le président de l’Olympique lyonnais présente en grande pompe un Gourcuff acheté à Bordeaux pour 22 millions d’euros, un record à l’époque pour un transfert entre deux clubs français. Quinze mille spectateurs se déplacent au stade de Gerland pour admirer le meilleur joueur de la saison 2008-2009 revêtir son nouveau maillot et s’avancer vers le podium au milieu d’une haie d’honneur formée par ses nouveaux partenaires.

La présentation officielle de Lyon 2010/11 et Yoann Gourcuff - (OLweb.fr)
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Yoann Gourcuff se plie à l’exercice, même s’il heurte son idée du football où le collectif prime sur l’individu. « A mon arrivée à l’OL, on m’a accueilli en héros. Je n’étais pas préparé à cet engouement », déclare-t-il au Monde en octobre 2011. A Lyon, son transfert vire à l’accident industriel, le Breton enchaîne les blessures (genou, adducteurs, aine, malléole, dos). Et lorsqu’il quitte l’infirmerie pour s’exprimer sur le terrain, on lui reproche de pas être assez décisif.

Lui se défend, dit ne pas jouer pour les statistiques (90 matchs en cinq saisons de Ligue, 14 buts et 17 passes décisives). « Je suis quelqu’un de collectif, je n’allais pas faire la différence individuellement », plaide-t-il. Mais pas facile de faire passer l’idée d’être juste au service de l’équipe quand on est alors le footballeur français le mieux payé de Ligue 1 avec un salaire mensuel estimé à 500 000 euros.

« La célébrité, ça ne m’intéresse pas »

Huit ans après le show de Gerland, Yoann Gourcuff est présenté en toute discrétion du côté du DFCO le 22 juillet. Laissé libre par Rennes après deux saisons plutôt banales, le milieu de terrain rejoint le 11e du dernier championnat dans une certaine indifférence, une semaine après le titre de champion du monde des Bleus. Son agent a bien tenté de le proposer à Toulouse, mais le président du TFC, Olivier Sadran, a dit non, refroidi par les trop nombreux arrêts maladie du joueur. Le club toulousain coupera même court aux discussions par un Tweet envoyant Gourcuff à Montpellier, autre prétendant possible. On a connu plus classieux comme fin de non-recevoir.

Et puis au détour de vacances communes à Fréjus, le compagnon de l’animatrice Karine Ferri rencontre Olivier Delcourt. Le président de Dijon (qui débute samedi à Montpellier sa quatrième saison en Ligue 1) lui vend alors son club « familial, à taille humaine », réputé aussi pour pratiquer un jeu offensif et léché. Le portrait ressemble au FC Lorient dirigé pendant des décennies par Christian Gourcuff, ce père qui lui a transmis sa vision à la fois analytique et romantique de son sport. Comme le papa, le fils aime regarder et analyser le football. La saison dernière, le Dijon de Dall’Oglio lui a tapé dans l’œil. « J’ai vu l’équipe pratiquer un jeu assez séduisant, assez offensif. J’ai pris plaisir à regarder jouer cette équipe », assure-t-il.

Alors l’ancien meneur de l’équipe de France s’y voit déjà. Il n’a qu’un mot à la bouche pour parler de la saison qui l’attend : plaisir. « Etre bien dans l’équipe, jouer un maximum de matchs, prendre du plaisir avec mes partenaires et avec les supporteurs, vivre et partager de belles émotions, avoir les meilleurs résultats possibles. » Il n’évoque aucun objectif personnel, ne parle pas de relancer sa carrière, comme s’il était déjà passé à autre chose.

Dans un long entretien à Ouest-France le 6 juin, Yoann Gourcuff se disait heureux de cette carrière malgré les blessures et les espoirs – des autres – déçus. « J’ai fait beaucoup plus et mieux que ce que j’avais imaginé… La célébrité, ça ne m’intéresse pas. Je n’ai jamais cherché à être célèbre. Je voulais juste faire de ma passion mon métier. » On a le droit de penser que son talent devait le hisser beaucoup plus haut. Mais tant mieux pour Dijon et les spectateurs du stade Gaston-Gérard : une carrière d’un footballeur ne se mène pas toujours « normalement ».