Le président vénézuélien Nicolas Maduro, lors de la cérémonie militaire à Caracas, le 4 août, au cours de laquelle il affirme avoir été la cible d’un attentat. / JUAN BARRETO / AFP

Le chef de l’Etat vénézuélien Nicolas Maduro a été la cible samedi 4 août en fin d’après-midi d’un attentat aux drones explosifs, alors qu’il présidait à Caracas une cérémonie militaire. Il a immédiatement accusé con homologue colombien de vouloir l’assassiner. « Tout indique que l’ultra droite vénézuélienne, alliée de l’ultra droite colombienne est responsable de cet attentat et que Juan Manuel Santos est derrière », a-t-il affirmé quelques heures à peine après l’incident. M. Maduro n’a pas apporté de preuve pour étayer sa thèse mais, à le croire, l’enquête est déjà « très avancée ».

Un groupe pratiquement inconnu « Los Soldados de Franela » (Les soldats en t-shirt) a revendiqué l’attentat, sans plus d’élément. L’opposition vénézuélienne qui voudrait en découdre au plus vite avec le président s’est encore une fois publiquement démarquée de toute option violente. « Notre peuple mérite une solution démocratique et constitutionnelle », affirme ainsi le communiqué du Frente Amplio Venezuela Libre (FAVL) qui réunit plusieurs formations d’opposition.

De son côté, Bogotá a régi avec fermeté à aux propos de Nicolas Maduro, qualifiés « d’absurde et sans fondements ». Ce n’est pas la première fois que le président vénézuélien soupçonne ou accuse les autorités colombiennes de comploter contre lui, avec l’appui de Washington. Son prédécesseur Hugo Chavez était déjà un habitué du fait. La dégradation sans précédent de la situation au Venezuela et l’arrivée au pouvoir du nouveau président Ivan Duque – qui sera investi président ce mardi 7 août – ne sont pas faites pour améliorer les relations bilatérales. Candidat de la droite dure, M. Duque est très proche de l’ancien président Alvaro Uribe (2002-2010) qui, lui, s’est ouvertement prononcé en faveur d’un coup d’Etat contre Nicolas Maduro.

« Tragédie humaine »

Les Colombiens ne sont pas les seuls à mettre en doute la version officielle. Sur les réseaux sociaux, les opposants vénézuéliens évoquent un accident ou un auto attentat. Le FAVL s’étonne que « la première réaction du gouvernement soit d’attaquer l’opposition », au lieu d’essayer d’éclaircir les faits. Le chef de l’Etat est soupçonné de vouloir faire diversion pour faire oublier la « tragédie humanitaire » et la crise économique et sociale sans précédent que traverse le pays. Dans le climat extrêmement tendu qui prévaut depuis plusieurs années, il est peu probable que l’opposition croie les résultats de l’enquête s’ils sont un jour publiés.

Les images du moment de l’attentat font l’objet d’une étude minutieuse. La première explosion a eu lieu alors que le président, entouré de son état-major, parle à la tribune. Son épouse lève les yeux vers le ciel. La détonation contraint Nicolas Maduro à s’interrompre. Une vidéo de l’agence chinoise Xinhua publiée postérieurement montrera que le président est alors évacué. La caméra officielle, elle, change de plan. On entend la confusion qui règne sur l’estrade. Les dernières images retransmises en direct montrent les centaines de militaires au garde à vous sur l’Avenue qui, au son de la deuxième explosion, rompent le rang et s’enfuient en courant. La scène est évidemment moquée – et célébrée – sur les réseaux sociaux. « Elle en dit long sur l’armée dont dispose Nicolas Maduro », résume sur Twitter l’analyste Nicmer Evans, un chaviste devenu très critique du gouvernement bolivarien.

Dans une première intervention, samedi soir, le ministre de la communication Jorge Rodrigue a évoqué « plusieurs appareils volants ». Mais il semble bien que seul deux drones sont entrés en action. Sept gardes bolivariens ont été blessés, a rapporté le ministre qui voit dans l’attentat « un acte de désespoir de la droite vénézuélienne ». Dimanche, le procureur Tarek William Saab a précisé que six personnes ont été arrêtées et que leur identité serait révélée lundi.

Opération Phénix

Le communiqué qui revendique l’attentat est parvenu à une journaliste d’opposition vénézuélienne établie à Miami (Floride, Etats-Unis), Patricia Poleo. Repris sur le compte twitter du groupe Soldados de Franela ouvert en 2014, il est signé par « un groupe d’officiers, de sous-officiers et de soldats, en activité et de la réserve » qui veulent « le retour de la Constitution et de la démocratie au Venezuela ». L’opération a été baptisée Phénix, les deux drones envoyés étaient chargés d’explosifs C4, ils ont été abattus par les francs-tireurs de la garde présidentielle, dit le communiqué. « Nous avons démontré qu’ils sont vulnérables. Nous n’avons pas réussi aujourd’hui mais c’est une question de temps », se réjouissent les auteurs. Le compte twitter explique que l’organisation Soldados de Franela « réunit tous les groupes de résistance établis au niveau national pour renforcer l’effectivité de la lutte contre la dictature ». Il est suivi par 95 000 personnes.

« Juan Manuel Santos quitte la présidence le 7 août et il ne peut pas s’en aller sans faire une mauvaise blague et du mal au Venezuela », a lancé le président Nicolas Maduro, en annonçant des représailles contre les auteurs de l’attentat. Sur le départ, le chef de l’Etat colombien n’a pas pris la peine de se répondre personnellement. « C’est devenu une habitude. Le président vénézuélien accuse en permanence la Colombie de tous types de problèmes », signale le communiqué du ministère des relations extérieures, en exigeant que soit respecté « le président Santos, le gouvernement et le peuple colombien ». Un proche du président précisait samedi soir : « M. Santos est accaparé par le baptême de sa petite-fille Céleste et ne s’occupe pas de renverser des gouvernements étrangers. » La Colombie n’a pas officiellement condamné l’attentat. Cuba, Le Nicaragua, la Bolivie, le Salvador, la Russie, la Syrie et l’Iran l’ont fait.