L’athlète français Jimmy Vicaut lors de la demi-finale du 100 m mardi 7 août. / Martin Meissner / AP

Les promesses de Jimmy Vicaut sont-elles vouées à être éternellement déçues ? Phénomène de précocité, auteur d’un redoutable 10 s 16 à l’âge de 18 ans, puis descendu sous la barre des dix secondes à 21 ans, le sprinteur de Bondy souffre d’une malédiction des grands rendez-vous. Grand favori des championnats d’Europe de Berlin qui ont débuté lundi, meilleur temps des demi-finales (9 s 97), le Français a dû déclarer forfait mardi 7 août au soir à cause d’une blessure lors du dernier échauffement avant la finale.

C’est le DTN de la Fédération française d’athlétisme, Patrice Gergès, qui a annoncé la triste nouvelle en direct sur France 2. Cette première journée est terrible pour les leaders de l’équipe de France, après l’abandon ce matin du décathlonien Kevin Mayer, à la suite de trois essais manqués au saut en longueur. La consolation est venue du fondeur Morhad Amdouni, vainqueur du 10 000 mètres.

Vicaut, ancien élève de Guy Ontanon, possède un palmarès individuel qui n’est pas à la hauteur de son statut de codétenteur du record d’Europe. En 2015, il réalisait 9 s 86, égalant la performance du Portugais Francis Obikwelu. Cette année-là, il descendait à sept reprises sous les dix secondes, croyant avoir eu le déclic dans un entretien au Monde : « Il y a plus de respect, maintenant je suis une menace, je l’étais moins avant. Ça m’a libéré pour le reste de la saison, j’ai pu courir vite ensuite. C’est la meilleure saison de ma carrière. »

De meilleurs résultats collectifs

Ses plus beaux résultats, il les doit au collectif du relais 4 x 100 m : l’or européen à Barcelone en 2010, l’argent mondial en 2011 à Daegu et le bronze olympique à Londres en 2012. Un constat qui a de quoi agacer le plus placide des sprinteurs, une catégorie d’athlètes pas réputée pour sa modestie. Jugez plutôt, depuis les Mondiaux 2011 à Daegu, il n’a décroché que trois médailles européennes en solo : le titre européen du 60 m à Göteborg en 2013, la médaille d’argent du 100 m à Helsinki en 2012 et la médaille de bronze du 100 m à Amsterdam en 2016.

Aux Pays-Bas, la déception avait déjà été énorme pour celui qui martyrisait les chronos cette saison-là. « Cela m’a un peu traumatisé, j’ai pris une petite balle quand même. La semaine d’avant je fais 9 s 88 et je finis à 10 s 08, la honte. C’était nul les gars », lâchait-il dans un grand sourire avant d’entamer les championnats d’Europe 2018. Son coach, Dimitri Demonière, expliquait le travail entrepris pour briser la malédiction de Jimmy Vicaut :

« Je ne veux pas que le poids du favori et de cet objectif lui pèse sur les épaules. Je ne veux pas lui mettre de pression et qu’il y ait un changement dans son attitude. Il ne faut pas qu’il soit trop accablé par le poids du championnat. Le discours que je lui tiens, c’est qu’une course n’est jamais gagnée d’avance. Je ne veux pas qu’il y ait une place au doute. Je vois plus de sérénité dans sa posture par rapport à avant, j’espère que ce sera le plus qui lui permettra d’être encore meilleur sur la piste. »

Souvent perturbé par les blessures, trop ambitieux sur sa charge de travail, Jimmy Vicaut espérait que sa nouvelle stratégie finirait par payer. « J’ai beaucoup moins couru qu’avant, je m’écoute plus, je pense avoir pris en maturité et en expérience », confiait-il. Le 6 juillet, il avait par exemple préféré renoncer à participer aux demi-finales des championnats de France, à cause d’une alerte à l’adducteur. En tête des bilans européens avec ses 9 s 91 réussis à Paris le 30 juin, il dominait en effet la concurrence européenne, à égalité avec le jeune Britannique Zharnel Hugues. A Berlin, cela n’aura pas suffi à lui permettre d’enfin remporter son premier titre majeur en individuel. La faute à sa grande difficulté à enchaîner les courses. Il semble condamné à demeurer un coureur de meeting.

Agé de 23 ans, originaire d’Anguilla, territoire caribéen de la Couronne, c’est finalement Hugues qui a remporté la médaille d’or. Il avait déjà terminé cinquième de la finale du 200 m aux Mondiaux de Pékin 2015, remportée par Usain Bolt. Par la proximité géographique, il a d’ailleurs fréquenté à ses débuts le groupe d’entraînement du Jamaïcain. « Je suis le favori et j’assume ce statut. Je dois seulement rester relax », annonçait-il avant les championnats. La suite des événements lui a donné raison.