Dewayne Johnson, à l’ouverture du procès, le 9 juillet 2018, à San Francisco. / POOL New / REUTERS

Aux Etats-Unis, c’est un procès décisif pour la firme Monsanto qui touche à sa fin. Pour la première fois, le géant agrochimique est accusé devant un tribunal d’avoir caché la dangerosité de son désherbant au glyphosate, le Roundup.

Dewayne Johnson, jardinier américain de 46 ans, estime que le produit, ainsi que sa version professionnelle, le RangerPro, qu’il a vaporisé entre 2012 et 2014 dans le cadre de son travail dans des écoles californiennes, a provoqué son cancer incurable. Il réclame 400 millions de dollars (345 millions d’euros) en dommages et intérêts mais surtout en sommes « punitives ».

Après un mois de procès, les douze jurés commencent mercredi 8 août leurs délibérations. Ils devront répondre à trois questions : le Roundup, le RangerPro et leur principe actif, le glyphosate, sont-ils cancérigènes ? Monsanto a-t-il essayé de cacher ces risques aux consommateurs et aux agences de régulation internationales ? Combien doit-il débourser pour ces dommages au plaignant et à ses proches ?

Pour Brent Wiser, l’avocat de Dewayne Johnson, le « jour de rendre des comptes » est venu pour Monsanto. Il a estimé mardi, lors de sa plaidoirie, que toutes les découvertes sur les risques cancérigènes « ont connu ce moment : lorsque la science finalement fait ses preuves, quand on ne peut plus [les] dissimuler ».

Parallèle avec l’industrie du tabac

Il a fait le parallèle avec l’industrie du tabac et les stratégies utilisées dans le passé pour nier sa dangerosité : « Pour le tabac, nous connaissons la fin de l’histoire, et nous savons comment se finira l’histoire pour Monsanto », a-t-il affirmé, expliquant qu’il n’est pas nécessaire dans ce procès « de démontrer que le Roundup est la seule cause [du cancer de son client] mais (…) seulement qu’il y a contribué ».

Pour Monsanto, qui vient d’être racheté par l’allemand Bayer, il n’y a aucun lien entre cancer et glyphosate et donc aucune raison d’avertir d’un danger quelconque à propos de cette substance très controversée.

« Il y a eu beaucoup de grande rhétorique ici [pour dire] à quel point les choses sont horribles chez Monsanto », a argumenté mardi son conseil George Lombardi. Mais « à moins que [Me Wisner] le relie au cancer de M. Johnson, rien de tout cela ne signifie quoi que ce soit », a-t-il asséné, notant que le diagnostic était intervenu très peu de temps après l’utilisation des produits et que, donc, la maladie était plus vraisemblablement antérieure.

Si ce procès civil est le premier du genre, des milliers de procédures sont en cours aux Etats-Unis sur le même sujet, à des degrés divers d’avancement. En France, Monsanto est poursuivi dans deux affaires. La première concerne un céréalier, Paul François, qui a porté plainte en 2007. Après avoir été condamné en première instance et en appel, le groupe est parvenu à faire casser la décision en cassation, en raison d’une erreur de forme. Un nouveau procès d’appel doit avoir lieu. La deuxième est plus récente : un couple a saisi la justice fin mai 2018, accusant le glyphosate d’avoir provoqué la malformation de leur fils.

Le glyphosate est classé « cancérigène probable » depuis 2015 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), mais pas par les agences européennes, l’EFSA (sécurité des aliments) et l’ECHA (produits chimiques).