Des réfugiés sur une embarcation de fortune, le 23 février 2017. / Santi Palacios / AP

Amnesty International accuse l’Italie, Malte et l’Union européenne (UE) de mettre en danger les migrants et de violer leurs droits par leurs politiques en Méditerranée, dans un nouveau rapport publié mercredi 8 août. Selon l’ONG, 721 personnes sont mortes ou ont disparu en mer pour les seuls mois de juin et juillet 2018, sur 1 111 victimes depuis le début de l’année, en raison du durcissement des politiques de sauvetage et d’accueil italienne et maltaise. Elle dénonce sur son site des « politiques européennes meurtrières ».

Le gouvernement italien de Giuseppe Conte est critiqué pour son refus croissant d’accueillir les migrants secourus en mer dans les ports italiens. Cette politique mise en place depuis le 10 juin, sous l’impulsion du ministre de l’intérieur d’extrême droite, Matteo Salvini, contrevient selon Amnesty au droit de la mer, qui dispose que les Etats devraient faciliter autant que possible le débarquement rapide de personnes secourues en mer.

« L’Italie réclame depuis longtemps, à juste titre, un partage équitable des responsabilités de sauvetage en Méditerranée centrale, reconnaît Amnesty dans son rapport. Cependant, l’interdiction des débarquements comme moyen de pression peut être perçue comme une tentative consciente et insensible de s’en prendre à la nature des opérations de recherche et sauvetage en mer pour des raisons politiques. »

Le rapport cite en exemple le cas de l’Aquarius, qui s’est vu refuser l’entrée aux ports italiens début juin, alors qu’il opérait en collaboration avec le Centre de coordination des secours maritimes italien (IMRCC) et avait à son bord des migrants secourus par des navires italiens. Le navire avait fini par être accueilli à Valence, en Espagne, à 1 500 km des côtes maltaises, où il était retenu.

Cercle vicieux de l’externalisation

Amnesty souligne que les navires d’ONG ne sont pas les seuls concernés par ces mesures. Plusieurs navires commerciaux, ainsi que des navires de guerres étrangers, se sont heurtés à l’opposition des autorités italiennes lorsqu’ils ont demandé à débarquer des rescapés dans des ports italiens.

L’ONG montre également du doigt le travail de sape effectué depuis 2017 par des hommes politiques italiens et européens, visant à décrédibiliser le travail de ces organisations. Les ONG sont en effet accusées de s’allier avec des trafiquants et de créer un appel d’air pour les migrants en les encourageant à prendre la mer. Amnesty dénonce aussi la multiplication des poursuites judiciaires initiées par les gouvernements contre les ONG qui refusent de ramener les migrants en Libye, où ils risquent de subir des détentions arbitraires et des tortures.

Sur ce plan, l’ONG critique les gouvernements européens, qui ont décidé d’accroître leur collaboration avec les gardes-côtes libyens, jugés « irresponsables ». Elle souligne que le travail de ces derniers a pourtant été dénoncé de nombreuses fois par les associations. Amnesty déplore également la quasi-absence d’instances de contrôle du travail des gardes-côtes libyens.

Amnesty International critique enfin Malte, qui n’assumerait pas ses obligations internationales en matière de sauvetage en se reposant largement sur l’Italie pour mener les opérations et accueillir les personnes secourues. L’Etat insulaire évite notamment de porter secours à des embarcations surchargées qui traversent ses eaux.

Avec ce rapport, Amnesty exhorte les gouvernements européens à mettre fin à l’externalisation de leur politique migratoire, en renvoyant les migrants en Libye. L’ONG dénonce un cercle vicieux, qui pourrait avoir des « conséquences fatales ».