A l’aéroport de Madrid, le 10 août 2018. / Paul White / AP

Confrontée à une grève de ses pilotes dans cinq pays européens, la compagnie aérienne Ryanair a annoncé, vendredi 10 août, qu’elle n’indemniserait pas ses passagers pour le préjudice, en dehors du remboursement du billet.

Cette indemnisation, généralement comprise entre 250 et 600 euros selon la distance du vol, est prévue par l’article 12 du règlement européen n° 261/2004, qui régit les droits des passagers aériens, « sauf lorsque l’annulation est due à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises ».

Or la compagnie irlandaise estime justement que cette grève est une circonstance exceptionnelle : « Ryanair se conforme pleinement à la législation, mais, comme ces annulations de vols relèvent de circonstances extraordinaires, aucune indemnité n’est due, a expliqué son PDG, Michael O’Leary. En vertu de la législation, aucune indemnisation n’est payable lorsque le syndicat agit de manière déraisonnable et totalement hors du contrôle de la compagnie aérienne. Si cela était sous notre contrôle, il n’y aurait pas d’annulations. »

Arrêt de la Cour de justice européenne

Ce n’est pas l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne, qui a tranché, le 17 avril 2018, dans un cas de grève sauvage touchant la compagnie aérienne allemande TUIfly. Elle avait jugé qu’une « grève sauvage » du personnel navigant à la suite de « l’annonce surprise » d’une restructuration ne constitue pas une « circonstance extraordinaire » permettant à la compagnie aérienne de se libérer de son obligation d’indemnisation en cas d’annulation ou de retard important de vol.

Elle avait estimé dans son arrêt que « les restructurations et réorganisations font partie des mesures normales de gestion des entreprises. Ainsi, les compagnies aériennes peuvent être, de manière ordinaire, confrontées, dans l’exercice de leur activité, à des désaccords, voire à des conflits avec les membres de leur personnel ou à une partie de ce personnel », ajoutant que de telles mesures doivent être considérées comme « inhérentes » à l’exercice normal de l’activité de la compagnie aérienne concernée.

Selon Karin Basenach, directrice du Centre européen des consommateurs, interrogée par Le Parisien, considérer qu’une grève est une « circonstance extraordinaire » est « faux et archifaux » : « Si les passagers remplissent les conditions, Ryanair doit verser des indemnités. »

La compagnie irlandaise avait d’ailleurs dû admettre cette législation en septembre 2017 et avait été contrainte d’indemniser ses passagers après avoir annulé 18 000 vols affectant 400 000 personnes, en raison de problèmes de planning de ses pilotes. L’Autorité britannique de l’aviation civile (CAA) avait alors lancé une procédure contre Ryanair, estimant que Ryanair avait « induit en erreur » les passagers en leur « fournissant des informations inexactes sur leurs droits ».