Theo Lawrence et le bassiste de The Hearts, Olivier Viscat, au festival Plage de rock le 9 août 2018 / Cedric Leo

Pour beaucoup de festivals qui ont lieu dans le sud-est de la France, il a fallu, jeudi 9 août au soir, trouver une solution de repli, ou tout bonnement annuler. A Port-Grimaud (Var), pour Plage de rock, l’orage et les trombes d’eau qui se sont abattus, dès 14 heures, sur la structure en extérieur n’ont découragé ni les musiciens ni l’équipe technique. Le chanteur franco-canadien Theo Lawrence et son groupe, The Hearts, ont tenu à jouer. « Ah non !, s’exclamait-il en début d’après-midi sous le déluge, on a fait cinq heures de train depuis Paris ce matin, on joue quoi qu’il arrive. »

A 23 ans, ce jeune guitariste de mère québécoise et de père français, qui a grandi à Gentilly (Val-de-Marne), voue une passion depuis l’adolescence au blues rural. Plage de rock, organisé jusqu’au 16 août aux Prairies de la mer, a d’ailleurs, ce soir-là, presque des airs de Delta du Mississippi avec ses baraques en bois sur pilotis, son ambiance de village de pêcheurs ballotté par les éléments mais qui tient bon.

« Chanson de reclus »

Alors que l’orage tonne encore, les vacanciers britanniques, néerlandais ou français sont réunis dans le bar du festival transformé en pub pour l’occasion. Santiags aux pieds, grosse boucle de ceinture sur son jean, Theo Lawrence, le bassiste Olivier Viscat, grand fan des Beatles, le guitariste Thibaud Ripault, fin connaisseur du blues de Chicago, Nevil Bernard, claviériste à l’âme soul et le batteur Thibaud Lecocq interprètent le répertoire de leur premier album, Homemade Lemonade, publié au printemps. Des chansons qui mêlent leurs influences et où la voix de Theo Lawrence, calquée sur celle de son chanteur de prédilection, le soulman texan Joe Tex (1935-1982), raconte ses amours mais aussi ce sentiment de ne jamais se sentir chez soi, par exemple sur A House But Not a Home ou Chew Me Up.

Theo Lawrence & The Hearts - Never Let It Go (Official Video)
Durée : 03:10

« C’est une chanson de reclus, explique le chanteur. Moi-même, j’ai toujours l’impression d’être venu à la mauvaise soirée, au mauvais endroit. J’ai toujours eu cette sensation d’avoir loupé le coche, il y a peu de personnes avec qui je partage cet engouement pour le vieux blues. Pour plein de jeunes de mon âge, mes goûts sont désuets, alors que moi ça m’excite totalement. »

En fouillant sur YouTube pour comprendre d’où viennent ses influences, Théo Lawrence tombe « sévèrement » dans le blues, à l’âge de 14 ans

Dans sa maison à Gentilly, on regarde peu la télévision, on écoute encore moins la radio. Ses parents, intermittents du spectacle, enseignent le théâtre pour le père, la danse pour la mère. Les vacances se passent tous les étés à Montréal et Théo Lawrence est inscrit dès la maternelle dans une école bilingue. Ses références viennent de la culture anglophone, ses premières palpitations musicales des bandes originales des films Grease (1978), de Randal Kleiser, et Paris Texas (1984), de Wim Wenders.

Quand ses copains écoutent du rap, lui se passionne pour le rock des années 1960 et 1970 : Jefferson Airplane, Grateful Dead, Velvet Underground... En fouillant sur YouTube pour comprendre d’où viennent ses influences, il tombe « sévèrement » dans le blues, à l’âge de 14 ans. « J’adorais les enregistrements d’Alan Lomax sur les chanteurs de blues rural, raconte-t-il. A la guitare, je jouais beaucoup Skip James, Son House, Robert Johnson, Howlin’Wolf, Muddy Waters… Ça a été un coup de foudre pour le côté brutal de la musique, un instant capturé, totalement dépouillé, très sincère, hyperinstantané dans l’urgence. A l’inverse de la tendance actuelle où tout est intellectualisé, dans la recherche numérique… »

Theo Lawrence & The Hearts - Heaven To Me (Official Video)
Durée : 03:29

Très vite, avec son copain Olivier Viscat, il décide de créer un trio influencé par le blues du Delta, qu’ils veulent jouer électrique. Leurs références sont alors R.L Burnside et Junior Kimbrough mais les rencontres avec d’autres musiciens, leur passion nouvelle pour la soul du révérend Solomon Burke et d’Irma Thomas, mais aussi pour la nouvelle figure de proue de la scène new-yorkaise, Menehan Street Band, les détourne de leur intention première : « Il y avait beaucoup d’orgue dans cette musique, donc on s’est mis à chercher un claviériste ».

Ils ne choisissent pas n’importe lequel mais le fils de Jean-Michel Bernard, un des organistes de Ray Charles, et l’alchimie prend. Ensemble, ils écrivent Heaven to Me qui pose la pierre angulaire de leur musique, morceau sur lequel ils ont terminé leur concert entre blues et soul à Plage de Rock. Et instantanément, la pluie s’est arrêtée.

Homemade Lemonade, de Theo Lawrence and The Hearts, 1 CD Gentilly Potion/BMG.

Plage de rock, jusqu’au 16 août, Prairies de la Mer, Port Grimaud (Var).

Theo Lawrence and The Hearts en concert le 24 août au Festival du roi Arthur, Bréal-sous-Monfort (Ille-et-Vilaine), le 25 à Rock en Seine, Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), le 27 au Trianon, Paris.