Des militants manifestent dans le cadre de la « Marche contre Monsanto » à Morges, en Suisse, en mai 2015. / Laurent Gillieron / AP

Souvent attaqué, rarement condamné. Partout sur la planète, l’utilisation du glyphosate, substance de base du désherbant le plus utilisé au monde, est contestée. Mais rares sont les pays à interdire son utilisation, malgré de nombreuses procédures de justice.

Classé « cancérigène probable » depuis 2015 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le glyphosate est utilisé sous diverses marques, la plus célèbre étant le Roundup fabriqué par le groupe américain Monsanto, qui appartient désormais au géant allemand de la chimie Bayer. Alors que la justice américaine a prononcé vendredi 10 août une condamnation historique à l’encontre du géant agrochimique américain, voici un tour d’horizon des coups portés par la justice internationale et les Etats contre le glyphosate.

  • Des milliers de procédures aux Etats-Unis

Le tribunal de San Francisco a condamné vendredi Monsanto à payer près de 290 millions de dollars de dommages et intérêts à Dewayne Johnson, 46 ans, qui accusait le géant agrochimique d’avoir caché la dangerosité de son désherbant. Une victoire pour ce jardinier américain, atteint d’un cancer, qui espère un effet boule de neige.

Des milliers de procédures contre Monsanto sont en effet en cours aux Etats-Unis, à des degrés divers d’avancement. Et pour qui le cas de Dewayne Johnson pourrait faire jurisprudence.

Le géant de l’agrochimie a cependant répété que cette décision de justice « ne change pas le fait que 800 études scientifiques et les conclusions de l’agence américaine de la protection de l’environnement (EPA), des instituts nationaux pour la santé et des autres autorités de régulation à travers le monde soutiennent que le glyphosate ne cause pas de cancer. 

  • En France, une interdiction totale d’ici 2023

Le gouvernement français a promis en mai que le glyphosate serait interdit « dans ses principaux usages » d’ici 2021, et « pour tous les usages » d’ici cinq ans.

Au niveau judiciaire, un syndicat apicole a porté plainte en juin dernier contre Bayer, à Lyon, où se trouve le siège français du géant allemand, à la suite de la découverte de glyphosate dans du miel. Une enquête préliminaire pour « administration de substances nuisibles » a été ouverte, sans viser spécifiquement Bayer.

A l’automne 2017, un juge français, devant juger des défenseurs de l’environnement poursuivis pour avoir vandalisé des bidons contenant du glyphosate, a aussi saisi la justice européenne sur la dangerosité de ce produit.

En 2009 déjà, la Cour de cassation, plus haute juridiction française, avait condamné Monsanto à 15 000 euros d’amende pour « publicité mensongère », car le géant américain vantait le RoundUp comme « biodégradable ».

  • Argentine : conflits entre habitants et producteurs agricoles

Troisème producteur mondial de soja, derrière les Etats-Unis et le Brésil, l’Argentine consomme des quantités massives de glyphosate. Dans certains plaines fertiles de la Pampa, le conflit est quotidien entre des habitants préoccupés et les producteurs agricoles, pour qui le produit est indispensable.

Sans législation nationale, les maires ont émis des arrêtés municipaux pour encadrer la fumigation. Ces règles sont généralement contestées par les producteurs, ce qui accentue le conflit.

  • Réévaluation toxicologique en cours au Brésil

Début août, une juge de Brasilia a ordonné la suspension pour trente jours de l’enregistrement auprès des autorités de tout nouveau produit à base de glyphosate, afin que l’agence brésilienne de veille sanitaire procède à leur « réévaluation toxicologique ».

Le gouvernement brésilien entend déposer un recours pour tenter d’annuler cette décision avant la prochaine récolte. La première puissance économique et agricole d’Amérique latine utilise largement les désherbants au glyphosate, notamment dans les plantations de soja.

  • Au Salvador, une interdiction de courte durée

En septembre 2013, le Parlement avait voté le retrait du marché de 53 produits agrochimiques, dont des désherbants et des pesticides. Mais cette décision a été partiellement annulée par le président de l’époque Mauricio Funes. Il avait demandé que sur ces 53 produits, onze pesticides ne soient pas retirés, au motif qu’ils étaient très utilisés et qu’ils n’étaient pas interdits au niveau international.

Un comité technique avait alors été mis en place et la situation n’a guère évolué en cinq ans. Le glyphosate est toujours vendu au Salvador.

  • Au Sri Lanka, une utilisation restreinte aux plantations de thé et de caoutchouc

Le gouvernement sri lankais a interdit les importations de glyphosate en octobre 2015, suite à la campagne menée par un moine bouddhiste. Des organisations agricoles ont critiqué le gouvernement pour ne pas avoir mené d’autres recherches scientifiques, affirmant que l’interdiction leur avait coûté la perte de 10 % des 300 millions de kilos de thé produits annuellement.

En juillet dernier, le gouvernement a réautorisé les importations, mais restreint l’utilisation du glyphosate aux plantations de thé et de caoutchouc.

  • Union européenne : une licence renouvelée pour cinq ans

Après deux ans de débat particulièrement houleux, fin 2017, les Etats membres de l’Union européenne (UE) ont finalement décidé de renouveler pour cinq ans la licence du glyphosate. La Commission européenne, organe exécutif de l’Union, met en avant le feu vert de ses agences scientifique, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), qui n’ont pas classé la substance comme cancérigène.

Mais l’indépendance de l’EFSA a été mise en doute par des révélations sur le fait que son rapport comporterait des passages « copiés-collés » d’un document déposé en 2012 par Monsanto.