Avec seulement 20 points pris, Arles-Avignon a vécu un calvaire en Ligue 1. / GOLESI/L'Equipe

Deux montées successives suivies de deux descentes immédiates : Troyes ne quitte plus depuis quatre ans l’ascenseur du football français. Cette saison, l’ESTAC et Metz ont laissé leur place à Reims et Nîmes, les deux bons élèves de la saison dernière en Ligue 2. Mais dans son malheur, le club préféré de François Baroin et Raphaël Mezrahi est loin d’être un cas isolé. Nancy en 2017, le GFC Ajaccio en 2016, Lens et Metz en 2015 n’ont fait qu’un passage express d’une saison en Ligue 1.

Pas facile la leçon de maintien. En dehors de l’exercice 2013-2014, jamais les trois promus (depuis la saison 2016-2017, la 3e place de Ligue 2 n’assure pas la montée. Un barrage est organisé face aux 18e de Ligue 1) n’ont assuré leur maintien. Equipes surprises devenues bonnets d’âne, à l’image d’Arles-Avignon, formations expérimentées mais incapables de se stabiliser au haut niveau, tels Troyes et Metz, les profonds tourments remplacent vite les soirs de liesse, ces moments de magie où résonnent les fameux « on est en Ligue 1 » et qui semblent faire oublier qu’il ne suffit pas de monter pour appartenir à l’élite.

Etre promu, c’est devoir bouleverser, en même pas un été, la structure sportive et financière d’un club. Le haut niveau demande une adaptation tactique précise, une gestion optimale de la présaison et le respect d’un budget serré.

Une nouvelle stratégie de jeu à adopter

Il ne fait pas souvent bon être un promu au jeu chatoyant. Les équipes dites « joueuses » se heurtent au plafond de verre de la Ligue 1, quand elles dominaient techniquement en Ligue 2. Une nouvelle discipline tactique doit émerger afin de gêner des formations mieux armées.

En 2015-2016, Troyes a payé cher son romantisme. Belle à voir évoluer, l’équipe de Jean-Marc Furlan ne possédait pas les individualités et le banc nécessaires qu’exige, sur le long terme, ce type de jeu. Ne pouvant s’appuyer sur des talents techniques supérieurs à la moyenne, la philosophie de jeu d’un promu passe surtout par le travail collectif et la naissance d’une identité de jeu propre et surprenante. La solidité avant l’audace. « Il faut mettre en place un état d’esprit, faire comprendre aux joueurs qu’on va devoir se battre jusqu’à la dernière journée, voire maintenant jusqu’aux barrages », explique Patrice Garande, ancien entraîneur de Caen et habitué à batailler pour le maintien.

Et dans ce registre, Angers apparaît comme l’anti-Troyes. Connue sous le nom de « dalle angevine » qui en dit sur le style employé, le style angevin fait de discipline tactique et mentale, correspondait aux caractéristiques de l’effectif. Les règles de base : solidité défensive et froid réalisme sur les coups de pied arrêtés. Depuis, l’entraîneur Stéphane Moulin tente de faire évoluer son équipe vers davantage de maîtrise technique. Quand une recette devient trop connue, il s’agit de surprendre encore. Avec une certaine réussite. Angers attaque sa quatrième saison consécutive en Ligue 1 et reste sur une neuvième place. Peut-être l’exemple à suivre.

Une présaison à bien gérer

La règle est bien connue : pas de bonne saison sans une préparation estivale réussie. Pour un promu, elle conditionne sa survie. Il s’agit d’entretenir l’état de grâce provoqué par la promotion. Montée à la surprise générale à l’issue de la saison 2008-2009, Boulogne-sur-Mer a vécu un été chaotique qui a perturbé l’effectif. L’ancien président du club, Jacques Wattez, se souvient de ce moment difficile. « Notre principal problème a été le départ brutal de notre entraîneur, Philippe Montanier. Nous avons dû travailler dans l’urgence pour le remplacer. D’autres membres du staff nous ont aussi quittés précipitamment. La ligue 1 leur a fait peur. »

Le chamboulement total est dangereux. Dans le genre contre-exemple, la présaison surréaliste d’Arles-Avignon en 2010 reste le meilleur garde-fou pour tous les promus. Michel Estevan, l’entraîneur qui a hissé le club de la 5e division à l’élite, est désavoué au retour de ses vacances, avant d’être rappelé quelques jours plus tard. Pendant ce temps, l’actionnaire principal, Marcel Salerno, entre en guerre avec la direction du club et une vingtaine de recrues débarquent, dont les champions d’Europe grecs 2004 Angelos Basinas et Angelos Charistéas, venus cachetonner.

Les deux champions d'Europe grecs n'ont pas eu l'influence souhaitée. / La Provence

Quelques mois après la redescente en Ligue 2, l’entraîneur Faruk Hadzibegic, débarqué en pompier de service après cinq journées, résumait le problème. « Il y avait une espèce de confusion assez hallucinante. Le club venait de monter rapidement tous les échelons jusqu’en Ligue 1. C’était inespéré et tout cela était précipité. Le club, structurellement, n’était vraiment pas prêt pour se retrouver là, au très haut niveau. » Avant d’avouer dans un soupir : « On savait tous comment cela finirait. »

Les exigences financières du haut niveau

Après Amiens l’an dernier, un autre promu, Nîmes, présente cette saison le plus petit budget de la Ligue 1. La logique financière dicte souvent le classement sportif. Sans surprise, le manque de ressources financières est un facteur-clé de la chute immédiate des nouveaux venus. Sans oublier les dépenses contraintes.

Monter dans l’élite, c’est aussi répondre à des mises aux normes strictes en termes d’infrastructures, augmenter les primes de match et dépenser plus sur le marché des transferts. « La montée peut être problématique quand il faut rapidement réaménager le stade. A Boulogne-sur-Mer, on a fait du rafistolage. Ce qui est important, c’est d’avoir un stade aux normes, une histoire, un centre de formation. Ce sont des éléments qui donnent de la confiance avant d’aborder la saison sur le terrain », explique Jacques Wattez, président du club nordiste de 1993 à 2018. Nîmes peut néanmoins se rassurer, son stade est aux normes et son centre de formation est de qualité.

L’équilibre entre la conservation des acteurs de la montée et le recrutement de joueurs expérimentés dépend lui aussi du budget. « Rater le recrutement est synonyme de descente pour un promu, assure l’ancien dirigeant. Il faut faire des paris permanents en raison des limites financières. Mais quoi qu’il en soit, les joueurs qui ont participé à la montée doivent avoir conscience du niveau qui les attend en Ligue 1. »

Certains promus peuvent compter sur un supplément d’âme, celui de leurs supporteurs. Quand Arles-Avignon ou Istres en 2004-2005 (exilé à Fos-sur-Mer à défaut d’avoir un stade aux normes) ont évolué devant un public clairsemé, le Racing Club de Strasbourg, promu l’an dernier, a profité d’un stade de la Meinau toujours plein et il sait qu’il doit aussi son maintien à cette ferveur populaire. Mais les Alsaciens savent que le plus dur est devant eux : pérenniser leur place en Ligue 1. Perte des meilleurs joueurs, budget toujours limité et dispositif tactique qui ne surprend plus l’adversaire, la deuxième saison est celle de la confirmation, mais aussi de tous les dangers.

En 2009-2010, Grenoble débute ainsi par douze défaites de rang après une première saison pourtant prometteuse (13e). Huit ans plus tard, le club isérois est de retour en… Ligue 2 après un dépôt de bilan et un détour par le CFA 2 (5e division). A Reims et Nîmes de briser la triste tradition des descentes immédiates. Ils ont maintenant quelques clés en main pour y mettre fin.