Des pêcheurs iraniens remontent leurs filets, sur la ville côtière de Koshk Estalkh, sur la mer Caspienne, en novembre 2013. / BEHROUZ MEHRI / AFP

C’est l’épilogue de plus de 20 ans d’éprouvantes négociations avec pour enjeux pétrole, gaz et caviar. Les chefs d’Etat de la Russie, de l’Iran, du Kazakhstan, de l’Azerbaïdjan et du Turkménistan doivent signer dimanche 12 août un accord historique définissant le statut de la mer Caspienne.

Réunis dans le port kazakh d’Aktaou, les cinq pays qui bordent la Caspienne se sont mis d’accord sur le statut de cette étendue d’eau, en plein vide juridique depuis la dissolution de l’Union soviétique, qui englobait alors la totalité de ces Etats sauf l’Iran, avec lequel existait un accord, aujourd’hui caduc. Le nouvel accord devant être signé dimanche, précédé par une réunion des chefs de la diplomatie des cinq pays samedi, ne devrait pas mettre fin à toutes les disputes qui touchent à ce lac, le plus grand du monde.

Il devrait néanmoins aider à apaiser les tensions existant de longue date dans la région, qui recèle de vastes réserves d’hydrocarbures, estimées à près de 50 milliards de barils de pétrole et près de 300 000 milliards m3 de gaz naturel.

Partage des ressources

Selon le Kremlin, l’accord préserve la plus grande partie de la Caspienne en tant que zone partagée, mais partage entre les cinq pays les fonds marins et les ressources sous-marines. Selon le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Grigori Karassine, la Caspienne bénéficiera d’un « statut légal spécial » : ni mer, ni lac, qui ont tous deux leur propre législation en droit international.

Le sommet de dimanche à Aktaou au Kazakhstan est le cinquième du genre depuis 2002, tandis que se sont tenues plus de cinquante réunions ministérielles et techniques depuis la dissolution de l’URSS, qui a placé quatre nouveaux pays sur les rives de la Caspienne.

Si cet accord va « étendre les possibilités de coopération » entre les cinq Etats bordant la Caspienne, certains pays risquent d’en sortir davantage gagnants que d’autres, selon Ilham Shaban, président du groupe de réflexion Caspian Barrel.

Le champ de pétrole offshore de Kashagan, sur la mer Caspienne, à l’ouest du Kazakhstan, le 21 août 2013. / REUTERS

Le Turkménistan, l’un des pays les plus fermés de la planète, a ainsi proclamé le 12 août « Journée de la mer Caspienne » en l’honneur du futur accord, affichant ainsi son enthousiasme. Ce pays d’Asie centrale riche en hydrocarbures espère notamment pouvoir installer au fond de la Caspienne des pipelines sous-marins pour lui permettre d’exporter son gaz vers les marchés européens via l’Azerbaïdjan.

Biodiversité

Ce projet, estimé à cinq milliards de dollars, avait auparavant rencontré l’opposition des autres pays de la région. Il pourrait encore être contesté par Moscou et Téhéran pour des raisons environnementales. En tant qu’anciens maîtres de la Caspienne, la Russie et l’Iran pourraient être les grands perdants de cet accord historique.

Si la Russie a dû céder sur un certain nombre de sujets, « elle gagne des bons points pour avoir fait sortir une situation de l’impasse » et renforcé son image de pays producteur d’accords diplomatiques, relève John Roberts, analyste collaborant avec l’Atlantic Council. De plus, l’accord devrait asseoir la prédominance militaire russe dans la région en interdisant à des pays tiers de disposer de bases militaires sur la Caspienne.

L’Iran, pour sa part, pourrait profiter de la clarté apportée par le texte pour lancer des projets communs avec l’Azerbaïdjan. La République islamique a eu recourt par le passé à des manœuvres navales hostiles pour défendre ses prétentions dans la Caspienne.

Au-delà des considérations économiques et militaires, l’accord donne espoir pour la préservation de la diversité écologique de la région. Les populations de bélouga, dont les œufs sont appréciés dans le monde entier en tant que caviar, pourront désormais se multiplier grâce à un « régime de quotas clair et commun pour les eaux de la Caspienne », selon M. Roberts.