La Turquie a annoncé lundi 13 août une série de mesures pour tenter d’enrayer la chute de sa monnaie. La livre turque s’effondre, sur fond de tensions avec les Etats-Unis et de défiance envers le président, Recep Tayyip Erdogan. La banque centrale de Turquie a notamment indiqué qu’elle fournirait toutes les liquidités dont les banques auront besoin, ajoutant qu’elle prendrait « toutes les mesures nécessaires » pour assurer la stabilité financière.

Ces annonces surviennent après que la livre turque, qui a perdu cette année plus de 40 % de sa valeur face au dollar et à l’euro, s’est effondrée vendredi, faisant souffler un vent de panique sur les marchés à travers le monde. La Bourse de Tokyo a ainsi fini en forte baisse lundi (- 1,98 %), gagnée par la fébrilité venue de Turquie depuis le « Vendredi noir », la livre a perdu ce jour-là quelque 16 % de sa valeur face au dollar.

Nouvelle chute historique

Dans les premières heures lundi, en Asie, la livre turque a chuté à un niveau plus bas historique, franchissant pour la première fois la barre des 7 livres contre un billet vert, avant d’effacer une partie de ses pertes dans la foulée de l’annonce de la banque centrale. Elle s’échangeait à 6,65 pour un dollar en début de matinée.

La banque centrale turque a révisé les taux de réserves obligatoires pour les banques, dans le but d’éviter tout problème de liquidité, et indiqué qu’environ 10 milliards de livres, 6 milliards de dollars et l’équivalent de 3 milliards en or de liquidités seraient fournis au système financier.

Le président Erdogan a multiplié les coups de menton en direction de Washington, mettant la crise monétaire sur le compte d’un « complot politique » américain et affirmant qu’Ankara chercherait « de nouveaux marchés et alliés ».

Déclarations chocs, sanctions, menaces de représailles, puis doublement des tarifs douaniers américains sur l’acier et l’aluminium turcs : les tensions entre les deux alliés au sein de l’Otan sont allées crescendo ces derniers jours, emportant la livre turque. Au cœur de cette bataille : le sort du pasteur américain Andrew Brunson, actuellement jugé en Turquie pour « terrorisme » et « espionnage », placé à la fin juillet en résidence surveillée après un an et demi de détention. « Nous affrontons de nouveau un complot politique en sous-main. Avec l’aide de Dieu, nous surmonterons cela », a lancé dimanche le chef de l’Etat turc.

Washington est prêt à sacrifier ses relations avec Ankara

M. Erdogan n’a pas semblé inquiet outre mesure de la décision du président Donald Trump, annoncée dans un tweet vendredi, de doubler les tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium turcs. Si Washington est prêt à sacrifier ses relations avec Ankara, la Turquie réagira « en passant à de nouveaux marchés, de nouveaux partenariats et de nouveaux alliés, aux dépens de celui qui a lancé une guerre économique contre le monde entier, y compris notre pays », a-t-il menacé.

Il a laissé entendre que c’était l’ensemble de l’alliance entre la Turquie – devenue membre de l’Otan en 1952 avec le soutien de Washington – et les Etats-Unis qui était en jeu. Les Etats-Unis disposent d’une importante base à Incirlik, dans le sud du pays, actuellement utilisée comme centre des opérations contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI).

La Turquie reproche aussi aux Etats-Unis le soutien apporté en Syrie aux Unités de protection du peuple kurde (YPG). Ankara voit dans cette milice une émanation du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), classé « terroriste » par la Turquie mais aussi par les Etats-Unis.

Les Etats-Unis demandent la libération immédiate du pasteur Brunson, qui risque jusqu’à trente-cinq ans de prison, alors que la Turquie plaide pour l’extradition de Fethullah Gülen, prédicateur turc établi depuis près de vingt ans sur le sol américain et soupçonné par Ankara d’être l’architecte du putsch manqué de juillet 2016.

Outre ces tensions, les économistes s’inquiètent de la mainmise sur l’économie de M. Erdogan, qui s’est renforcée après sa réélection en juin dernier. Les marchés exhortent la banque centrale à redresser davantage ses taux pour soutenir la livre et maîtriser une inflation galopante, qui a atteint près de 16 % en juillet en glissement annuel.