Gênes : les images de l’effondrement d’un viaduc qui a fait plusieurs morts
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Existait-il un problème de sécurité sur le pont Morandi de Gênes ? Le sujet a immédiatement agité la presse italienne après l’effondrement de la structure autoroutière, qui a fait au moins 22 morts selon un premier bilan du ministère de l’Intérieur italien.

Interrogé à ce sujet dans les médias italiens, le PDG d’Autostrade per l’Italia, le groupe privé qui exploite les autoroutes italiennes, Giovanni Castellucci, a affirmé après le drame qu’il ne « détenait aucun document faisant état d’un quelconque danger » sur le pont. Pourtant, la presse italienne se fait l’écho de mises en garde récurrentes concernant la structure même de l’édifice, construit entre 1963 et 1967.

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L’une d’elles a notamment été formulée par le professeur agrégé en structures de béton à la faculté d’ingiénerie de Gênes, Antonio Brencich. Dans un article publié en 2016 par ingegneri.info, le spécialiste soulignait ainsi que « le viaduc de Morandi a immédiatement présenté plusieurs défaillances de structure, en plus de surcoûts importants de construction ».

N’hésitant pas à évoquer « une erreur d’ingénierie », le professeur pointe ainsi « une évaluation incorrecte des effets de retrait du béton ayant produit un plan de route non horizontal ». Selon Antonio Brencich, les automobilistes empruntant le pont, dès les années 1980, ressentaient ainsi des creux et des bosses sur la voie, correspondant à cette défaillance structurelle. Des modifications de surface avaient été réalisées pour corriger ces défauts, mais aucun changement au niveau de la structure n’avait été opéré.

« Modifier leurs calculs »

Interrogé mardi par le site Linkiesta à la suite de l’effondrement, Antonio Brencich a répété qu’il s’agissait, selon lui, d’un problème de structure du système de précompression appelé « Morandi M5 », du nom de l’architecte du pont :

« J’ai dit, et les faits me donnent malheureusement raison, que ce type de pont est mal conçu et mal calculé et présente des problèmes évidents de vulnérabilité. Après tout, s’il n’y en a que trois dans le monde, c’est qu’il y a bien une raison. »

Le pont Morandi a en effet deux « jumeaux » dans le monde. L’un en Libye, au dessus du Wadi Al-Kuf. L’autre a été construit à Maracaibo, au Venezuela. Or, ce dernier avait lui aussi connu un incident majeur, puisque, en avril 1964, le pétrolier Exxon Maracaibo, qui transportait près de 36 000 tonnes de marchandise, avait cogné deux de ses piles après une panne le rendant non manœuvrable. Les piles s’étaient alors effondrées. « Ce type d’événement n’avait pas été pris en compte lors de la phase de conception, souligne Antonio Brencich, pas plus que l’éventualité d’un tremblement de terre. »

Reste que l’accident du pont Morandi n’est pas une exception dans le paysage routier italien. Selon Les Echos, pas moins de huit ponts se sont ainsi écroulés dans le pays ces trois dernières années. Fin 2017, le pont Corleone, flambant neuf, reliant le nouveau tronçon autoroutier sicilien entre Palerme et Agrigente, a commencé à se fissurer puis est tombé, dix jours seulement après son inauguration. Des difficultés souvent dues à des travaux mal réalisés, mais aussi à un manque de maintenance sur les quelque 26 400 kilomètres du réseau routier italien.

Opérations de maintenance coûteuses

Des travaux importants avaient pourtant bien été engagés à Gênes sur le pont Morandi, notamment au début des années 2000, avec des opérations de réfection des câbles de suspension si caractéristiques de l’ouvrage, attaqués par la corrosion. Un élément qui a surpris là encore le professeur Antonio Brencich, qui notait qu’un pont de cette taille est censé durer au moins cent ans, et s’étonnait de voir des coûts de maintenance dépasser bientôt le coût de construction. « A la fin des années 1990, 80 % de ce qui avait été dépensé pour la construction avait déjà été dépensé pour des travaux », souligne ainsi, mardi, Antonio Brancich, interrogé par Linkiesta.

Selon le quotidien italien Il Fatto Quotidiano, des travaux de rénovation étaient d’ailleurs encore en cours au moment de l’effondrement du pont, mardi 14 août. Il s’agissait d’une opération de consolidation de la dalle, d’intervention sur les haubans, caractéristiques du pont, ainsi que le remplacement des barrières dans les deux sens. Une voie spécifique avait été mise en place pour faciliter le travail des équipes de maintenance. Les travaux, d’un coût évalué à plus de vingt millions d’euros, avaient été lancés le 3 mai et auraient dû être achevés dans un an.

En mai, le PDG d’Autostrade, Giovanni Castellucci, cité par Il Fatto Quotidiano, s’excusait ainsi du désagrément à venir pour les usagers du pont. « Mais nous pensons que la sécurité passe avant tout », affirmait-il.

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