Le maître bouddhiste Xuecheng lors de l’ouverture de la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC) au Grand palais du peuple, à Pékin, le 3 mars 2014. / WANG ZHAO / AFP

C’est un rapport de 95 pages qui a fait tomber, mercredi 15 août, le président de la Fédération bouddhiste chinoise, maître Xuencheng. Ce document, censé rester confidentiel, a fuité sur Internet fin juillet. Rédigé par deux moines du même monastère de Pékin, le Longquan, le rapport accuse maître Xuencheng d’avoir voulu forcer six nonnes à avoir des relations sexuelles, en leur envoyant des textos et des messages vocaux explicites.

Il leur expliquait, d’un ton à la fois séducteur et menaçant, que le sexe était partie intégrante de leurs études bouddhistes, et qu’il était donc nécessaire de passer par cette étape. Quatre auraient cédé à ses avances.

Lorsque le rapport a fuité, le monastère a dénoncé des « preuves trafiquées » et une entreprise de « vengeance ». Si les censeurs chinois se sont attelés à supprimer toute trace du rapport ainsi que les réactions d’internautes criant au scandale, la pression est restée quand même très forte.

Ecarter « la célébrité et la luxure »

Et a obligé maître Xuencheng à démissionner, après une réunion des cadres de la fédération. Le China Daily indique que le moine est également accusé de « malversations financières ». Un nouveau président intérimaire, maître Yanjue, a été nommé. Dans un communiqué, la fédération appelle la communauté bouddhiste à être davantage disciplinée et à écarter de sa vie « la célébrité et la luxure ».

L’un des deux moines a expliqué, après la fuite du document, s’être senti obligé de rendre ces informations publiques après avoir constaté la réticence des autorités à enquêter sur ce pilier du régime. Xuencheng, âgé de 51 ans, est en effet un des moines bouddhistes les plus connus de Chine.

Des fidèles viennent de loin pour visiter son temple à Pékin, également réputé pour être à la pointe des nouvelles technologies. Un « robot moine » est posté à l’entrée du monastère. Il accueille les visiteurs, peut les guider et répondre à des questions religieuses. Le moine, lui, était très présent sur les réseaux sociaux. Des millions de fidèles suivaient ses posts sur la plate-forme Weibo, très utilisée en Chine.

Il n’existe en Chine aucune définition légale du harcèlement sexuel

Maître Xuencheng était non seulement président de la Fédération officielle bouddhiste chinoise, mais aussi membre de la chambre consultative du Parlement chinois. Il était au cœur d’un système où le pouvoir politique exerce une forte emprise sur les religions. On compterait environ 250 millions de bouddhistes en Chine.

Il n’existe en Chine aucune définition légale du harcèlement sexuel. Le mouvement #metoo, apparu en octobre 2017, a également eu des conséquences dans le pays. Les internautes avaient pu exprimer leur mécontentement et dénoncer des agressions en contournant la censure imposée par Pékin dans ce domaine.

Ainsi, #metoo s’était transformé en #mitu, ce qui signifie « riz et lapin » . Si la majorité des dénonciations concerne des actes commis par des étudiants sur les campus, de nombreux commentateurs estiment que la démission de maître Xuencheng n’aurait sûrement pas eu lieu sans le mouvement #metoo.