Memorial, la plus ancienne ONG russe de défense des droits de l’homme, créée en 1989, a été délogée de ses locaux, qu’elle occupait depuis vingt ans, par l’administration de Saint-Pétersbourg.

Les services municipaux « nous ont récemment informés avoir rompu le contrat encadrant l’usage des locaux où notre organisation se trouvait depuis 1997 », a expliqué Galina Chkolnik, la directrice de l’antenne à Saint-Pétersbourg de l’ONG Mémorial. « C’était totalement inattendu. Nous étions sûrs que le contrat serait prolongé comme d’habitude. Nous n’avons enfreint aucune règle, s’est défendue Mme Chkolnik, qui dit ignorer les motivations de l’administration. Soit quelqu’un a envie d’utiliser nos locaux [dans le centre-ville], soit nous avons des problèmes en tant qu’agent de l’étranger”. »

L’organisation a en effet été classée en 2016 sous la dénomination controversée d’« agent de l’étranger », c’est-à-dire une organisation bénéficiant d’un financement étranger et ayant « une activité politique ». Elle doit désormais se présenter comme telle dans sa communication. Les autorités de Saint-Pétersbourg n’étaient pas joignables jeudi pour commenter la situation.

Plusieurs dirigeants locaux poursuivis

Arrestations, perquisitions et agressions visant Mémorial sont courantes, notamment en Tchétchénie (Caucase russe), selon des défenseurs des droits de l’homme. Le responsable de l’ONG en Tchétchénie, Oïoub Titiev, a été arrêté en janvier par la police, qui affirme avoir découvert de la drogue dans sa voiture. Actuellement jugé à Grozny, il risque jusqu’à dix ans de prison.

Iouri Dmitriev, le chef d’une branche de Mémorial en Carélie (nord-ouest) et historien russe connu pour ses recherches sur la terreur stalinienne, se trouve en détention depuis juillet dernier après avoir été mis en examen pour agression sexuelle sur mineur. Trois mois plus tôt, il avait été acquitté dans une affaire similaire qu’il dénonçait comme étant montée de toutes pièces.

« Il faut chercher les origines de la situation de Mémorial à Saint-Pétersbourg dans l’attitude générale des autorités locales envers les ONG de défense des droits de l’homme. Ces raisons sont politiques », a affirmé le député du parti d’opposition Iabloko Boris Vichnevski.