Long de 8 678 mètres, le viaduc Général Rafael Urdaneta est le seul axe qui traverse le vaste lac de Maracaibo au Venezuela. / ISAAC URRUTIA / REUTERS

Plus ancien et près de huit fois plus long que son « jumeau » de Gênes, le pont Morandi de Maracaibo, au Venezuela, inquiète après la tragédie italienne, d’autant qu’un incendie du réseau électrique circulant sur cette structure vient de s’y produire.

Long de 8 678 mètres, contre 1 182 pour celui de Gênes, le pont à haubans du Général-Rafael-Urdaneta, également conçu par Riccardo Morandi, a été inauguré en 1962, soit cinq ans avant l’ouvrage italien qui s’est partiellement effondré mardi 14 août, faisant 39 morts. Conçu à l’origine exactement de la même manière que son jumeau génois, le pont de Maracaibo s’en différencie toutefois nettement depuis 1964. Après que le pétrolier Exxon s’eut échoué contre deux des piles du pont, engendrant leur effondrement, les haubans en béton du pont avaient été remplacés par de plus classiques haubans en acier.

Ce pont, seul axe qui traverse le vaste lac de Maracaibo, est resté fermé de vendredi à lundi après l’incendie d’une armoire électrique située à une de ses extrémités. A cet endroit passe le réseau qui alimente la deuxième ville du Venezuela et cœur battant de l’industrie pétrolière du pays.

Quelque quatre millions d’habitants de la zone ont été privés d’électricité et pratiquement isolés du reste du pays, où les coupures de courant sont fréquentes. Le gouvernement dénonce un acte de « sabotage », une thèse fréquemment utilisée par le camp du pouvoir pour expliquer les dysfonctionnements au Venezuela, secoué par une grave crise politico-économique. En milieu de semaine, l’accès au pont était toujours limité en raison des réparations. Au Venezuela, les routes sont exclusivement contrôlées par l’Etat.

Rapport d’experts en cours

A la suite de l’incendie, antérieur à l’accident de Gênes, des experts de l’université de Zulia, à Maracaibo, le Centre des ingénieurs et la Chambre de la construction préparent un rapport sur l’état de cet ouvrage qui sera remis au gouvernement. « Nous n’allons pas émettre un diagnostic irresponsable (…) et ne pas tomber dans le sensationnalisme », a assuré à l’Agence France-Presse (AFP) Enrique Ferrer, président de la Chambre de la construction. Il s’agira d’un travail réalisé à titre gratuit dont le but sera de « rassurer la population », a-t-il ajouté.

Au-delà de cet incident, celui qui fut le pont le plus long du monde à sa construction en 1962 inquiète. Selon Marcelo Monot, ex-président du Centre des ingénieurs de Zulia, les pylônes n’ont pas été inspectés depuis plus de deux décennies. En outre, « le système de pesage ne fonctionne pas depuis des années : le poids des camions n’est donc pas vérifié, ce qui représente un risque. »

Une alternative au pont de Maracaibo, le pont Nigale, est en construction depuis plusieurs années, mais « seuls 17 % ont été réalisés en douze ans », explique M. Monot. Cet ouvrage inachevé fait partie des chantiers d’Odebrecht, géant du BTP au cœur d’un scandale de corruption qui éclabousse toute la région. Ce fleuron brésilien du bâtiment a reconnu avoir versé durant des années des pots-de-vin pour obtenir des chantiers à travers l’Amérique latine.