Le stand de Google à la Global Mobile Internet Conference de Pékin, en 2016. / Andy Wong / AP

« Pour faire des choix éthiques, les employés de Google doivent savoir ce qu’ils sont en train de construire. » Dans une lettre interne, signée par un millier d’employés du moteur de recherche et rendue publique par le New York Times, des « googlers » dénoncent le secret qui entoure le projet Dragonfly, un moteur de recherche censuré à destination du marché chinois, dont l’existence a été rendue publique cet été par le site The Intercept.

Le projet a débuté dans le plus grand secret – les tâches avaient été divisées puis distribuées à plusieurs équipes, et la plupart des employés travaillant sur Dragonfly ignoraient tout des finalités du projet. Seule une poignée de cadres haut placés de l’entreprise avaient une vision d’ensemble. Une méthode contestée par les signataires de la lettre : « Nous avons un besoin urgent de transparence, d’une place à la table des décisions, et d’engagements pour nous assurer que le processus est clair et ouvert : les employés de Google doivent savoir ce qu’ils sont en train de construire. »

Un projet « exploratoire »

En 2010, Google avait mis fin à ses opérations en Chine, pour protester contre la censure des résultats de recherche imposée par Pékin, qui filtrait notamment les recherches portant sur la révolte de la Tiananmen. L’existence de Dragonfly a suscité l’incompréhension de nombreux salariés. « À l’époque, [le cofondateur de Google] Sergey Brin avait expliqué que (…) la censure et la surveillance des dissidents constituaient des marqueurs de totalitarisme », notent les signataires de la lettre. Le départ de Google avait également été précipité par la découverte d’une vaste campagne de cyberespionnage visant notamment des comptes Gmail de dissidents chinois. Seule une infime minorité de Chinois utilisent aujourd’hui les services de Google, qui ne sont accessibles que par le biais d’outils de contournement de la censure – Gmail ou Google Search sont aujourd’hui bloqués en Chine continentale.

Lors d’une réunion ouverte à tous les employés, ce 16 août, le PDG de Google, Sundar Pichai, a tenté de rassurer les salariés. « Nous ne sommes pas prêts à lancer un produit de recherche en Chine », a-t-il dit, selon une transcription obtenue par l’agence Bloomberg. « Et il n’est pas du tout clair que nous pourrions ou que nous voudrions le faire. » M. Pichai a également expliqué que l’absence de communication interne sur le sujet était liée au caractère « exploratoire » du projet. Sans toutefois s’engager sur un retrait de Dragonfly. « Notre mission est d’organiser l’information du monde. La Chine représente un cinquième de la population mondiale. Pour accomplir notre mission, nous devons réfléchir sérieusement à ce que nous pouvons faire en Chine », a-t-il dit.