Matteo Salvini, le ministre de l’intérieur italien, à Rome, le 20 juin 2018. / Stefano Rellandini / REUTERS

Pendant que l’Italie compte ses morts à la suite de l’effondrement du pont Morandi à Gênes, le ministre de l’intérieur, Matteo Salvini, trouve tout de même l’occasion de se réjouir. « Une bonne nouvelle dans une journée aussi triste. L’Aquarius ira à Malte et les immigrés à bord seront distribués entre Espagne, France, Luxembourg, Portugal et Allemagne, mais pas en Italie, comme promis. Nous avons suffisamment donné. Des mots aux faits ! », poste le leader de la Ligue (extrême droite) sur Facebook, le jour du drame, mardi 14 août.

Mais, malgré l’obsession de M. Salvini pour les hashtags #portsfermés #cœursouverts, il semble bien que l’Italie va finalement participer à l’effort et héberger vingt migrants recueillis par l’Aquarius. « A la suite de l’annonce de cinq pays membres qui ont joint leurs efforts pour se répartir les immigrants à bord de l’Aquarius, le gouvernement italien a contacté le gouvernement maltais pour participer à l’initiative », a ainsi déclaré, mercredi, La Valette, dans un communiqué.

Affrété par les ONG SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF), le navire humanitaire vient finalement d’être autorisé à accoster dans le port de La Valette, à Malte, après avoir erré plusieurs jours en Méditerranée avec 141 migrants épuisés à son bord.

Un sacré retournement

Si la nouvelle n’a pas été confirmée officiellement par le ministère de l’intérieur italien, plusieurs journaux ont assuré en avoir obtenu confirmation par des sources internes. Un sacré retournement pour un ministre qui ne passe pas un jour sans se répandre en saillies xénophobes sur les réseaux sociaux. Le 12 août, il proposait de remettre un « prix » à la conductrice d’un train milanais. Cinq jours plus tôt, celle-ci avait livré une invraisemblable annonce à ses passagers : « Gitans : descendez au prochain arrêt, parce que vous cassez les couilles ! »

Le 14 août, sur Twitter : « Les autorités tunisiennes ont arrêté 9 EXTRÉMISTES ISLAMIQUES qui tentaient d’embarquer dans un bateau pour rejoindre l’Italie. » Démenti immédiat des autorités tunisiennes : « D’après l’enquête, il n’y a aucune intention de terrorisme contre l’Italie dans cette tentative d’immigration clandestine », assure le porte-parole de la garde nationale tunisienne, Houssem Eddine Jebabli.

Mais, en bon troll, M. Salvini préfère ignorer ses contradicteurs que de s’expliquer sur ses contradictions. Plutôt que de s’exprimer sur les vingt migrants de l’Aquarius, il s’en est pris, mercredi, à un autre bateau, sur Facebook. « J’ai le devoir de vous annoncer qu’un navire avec 170 migrants, en difficulté dans les eaux maltaises, est non seulement ignoré, mais est accompagné dans les eaux italiennes, par les autorités maltaises, poste Salvini. Si ça, c’est l’Europe, ce n’est pas mon Europe. L’Italie a déjà accueilli, et dépensé, suffisamment. Que ce soit clair pour tous. Surtout pour Bruxelles. » Le ministre de l’intérieur maltais a répliqué jeudi soir en affirmant que ce bateau avait refusé son aide et « ne présentait pas de signe de détresse » quand il est passé dans sa zone de sauvetage.

C’est finalement un navire de gardes-côtes italien, le Diciotti, qui les a sauvés, sans attendre le feu vert de Rome. Dans cette confusion volontairement entretenue par Salvini, ses services ont choisi jeudi soir de faire planer la menace d’une nouvelle volte-face sur le dossier de l’Aquarius : « Les partenaires européens comptent laisser l’Italie seule en lui imposant un bateau avec 170 personnes. Si c’est vraiment leurs intentions, Rome remettra en question la possibilité de participer à la redistribution des personnes qui étaient à bord de l’Aquarius, comme l’a annoncé Malte au cours des dernières heures », assure le ministère dans un communiqué, reconnaissant implicitement les négociations avec Malte. Tandis que sur les réseaux sociaux, les adeptes de Salvini s’en prenaient vertement au capitaine du Diciotti.