Les candidats d’extrême droite à la présidence brésilienne Cabo Daciolo (à gauche) et Jair Bolsonaro (à droite) lors du deuxième débat télévisé, le 7 août, à Sao Paulo. / NELSON ALMEIDA / AFP

Dans les coulisses, quelques heures après avoir considéré les critiques de son programme comme des « analphabètes », le candidat d’extrême droite, Jair Bolsonaro aurait lancé : « il n’y aura pas de pupitre pour les bandits ici, non. » Une référence à la place inoccupée par le candidat Luiz Inacio Lula da Silva, candidat à la présidentielle du Brésil malgré son emprisonnement pour des faits de corruption. Ce vendredi 17 août, dans les studios de la chaîne RedeTV à 22 heures, heure de Brasilia, le pupitre mentionnant le nom de Lula a bien été retiré in extremis pour ne pas froisser les débatteurs.

Pourtant, jamais le fantôme de l’ancien chef d’Etat n’aura autant hanté les débats entre les postulants pour la présidence brésilienne de cette étrange campagne où, à six semaines des élections, « 143 millions d’électeurs ne connaissent pas encore la liste définitive des candidats », soulignait sur Twitter le blogueur Ricardo Noblat.

Une décision attendue

Défiant la justice, considérant la condamnation de son leader inique et illégale, le Parti des travailleurs (PT, gauche) a confirmé, mercredi 15 août, la candidature de l’ancien syndicaliste pour la présidence et de Fernando Haddad, l’ancien maire de Sao Paulo, pour la vice-présidence. Contestée par divers adversaires et par la procureure générale de la République, la présence de Lula à l’élection est suspendue désormais à la validation ou non du Tribunal supérieur électoral. La décision est attendue dans les prochains jours.

Mais dans l’après-midi de vendredi un comité d’experts de l’Organisation des Nations unies (ONU) est venu ajouter à la confusion. Réclamant que « le Brésil prenne toutes les mesures nécessaires pour garantir que Lula puisse exercer droits politiques depuis sa prison, comme candidat à l’élection présidentielle de 2018 » le comité précise : « ceci inclut l’accès à la presse et aux membres de son parti politique. »

Selon Sarah Cleveland rapporteure de la décision du comité de l’ONU interrogée par le quotidien Folha de Sao Paulo, la principale demande des avocats de Lula, à savoir d’exiger sa libération, n’a pas été acceptée. « La demande que nous avons faite au gouvernement brésilien est limitée », estime-t-elle.

Forte « valeur symbolique »

Il n’empêche, l’avis des dix-huit experts indépendants a été considéré comme une « ingérence inopportune » par le ministre de la justice Torquato Jardim. Tandis que le ministère des affaires étrangères jugeait la déclaration « sans effet ».

« La décision préliminaire, sans pouvoir de sanction, a peu de chance d’inverser le cours des choses », confirme Laura Weisbisch, chercheuse au Centre brésilien d’analyse et de planification (Cebrap) estimant la candidature de Lula peu probable. Le Brésil est déjà, par le passé, passé outre des recommandations d’instances supranationales, notamment au sujet du barrage de Belo Monte sous le gouvernement de Dilma Rousseff, dauphine de Lula, souligne la chercheuse. « Mais la valeur symbolique de cette décision est forte. Elle renforce le discours d’illégitimité de la sanction contre Lula », ajoute Mme Weisbisch. Le PT n’est plus seul à s’indigner, il a, avec lui, une organisation internationale de quoi radicaliser ses troupes.

Jusqu’où ira la contestation ? Vendredi soir, nul n’était en mesure d’évaluer les répercussions de cette décision sur l’élection. Et à ce stade aucun candidat présent aux débats n’a semblé capable de faire bouger les lignes d’un scrutin hautement incertain.