Patti Smith à New York, en mai 2018. / ANGELA WEISS/AFP

Fin juillet, interrogé par le magazine musical en ligne Indiemusic.fr, François Floret ne cachait pas sa joie : « On ­essaie de l’inviter tous les ans ! Elle fait partie des artistes pour lesquels on insiste tout le temps, et un jour, ça finit par tomber comme un fruit mûr. Un bon alignement des planètes ! » Celle qu’évoque avec enthousiasme le directeur de La Route du rock est Patti Smith, ­vedette de la soirée du 18 août du festival organisé à Saint-Malo et Saint-Père (Ille-et-Vilaine). La chanteuse américaine, en tournée européenne ce mois-ci, a ­réservé aux terres bretonnes ses deux passages français. Un jour avant de monter sur la grande scène du fort de Saint-Père, elle était au festival Fête du bruit de Landerneau, dans le Finistère.

Dans le public, celles et ceux qui ont découvert Patti Smith dans les années 1970, quand elle devenait l’une des voix de la scène punk et rock, sont venus en nombre s’ajouter aux 20-30 ans qui constituent le ­public habituel de La Route du rock. Une bonne demi-heure avant le concert, les cheveux blancs viennent s’installer aux premiers rangs. L’arrivée de Patti Smith est accueillie par une ovation. Que l’intéressée, radieuse, reçoit avec reconnaissance.

Avec elle, un trio, dont le guitariste est son fils Jackson, l’un des deux enfants nés du mariage de la chanteuse avec l’ancien guitariste du groupe MC5, Fred « Sonic » Smith, mort en 1994. Le grand amour de Patti Smith, à qui elle dédie la chanson Because the ­Night (parue en 1978 et coécrite avec Bruce Springsteen), l’un de ses rares succès commerciaux. « Parce que la nuit appartient à ceux qui s’aiment », dit le refrain.

Hommage à Aretha Franklin

Des dédicaces, Patti Smith en fera plusieurs. Elle souhaite, avant de chanter Ghost Dance, que Jérusalem devienne une ville « neutre », pour que chacun puisse y pratiquer « librement sa religion ». Il y a la chanson Tarkovsky, du nom du cinéaste soviétique, sous-titrée The Second Stop Is Jupiter, qui vient d’une composition du pianiste Sun Ra. Ambiance jazz donc, avec une superbe improvisation de Jackson Smith. Celui-ci a dans les doigts bien des styles du rock et du jazz, qu’il explore avec inventivité. Avant sa reprise émouvante de Can’t Help Falling in Love, immortalisée par Elvis Presley, Patti Smith dit « adieu à Aretha » (Franklin, morte le 16 août) et « adieu à Kofi » (Annan, mort le 18).

La voix est pleine, puissante, que cela soit dans un phrasé proche de la parole ou dans un chant qui va de la caresse au plein déploiement. Quand elle se trompe de tonalité au début de Dancing Barefoot, elle fait reprendre la chanson et lui donne une nouvelle énergie. Bras tendus vers le public ou levés au ciel, mains-papillons qui vivent avec les courbes de la musique, corps dansant, Patti Smith, 71 ans, emporte par sa fougue, sa vitalité musicienne. « Je sais que rien ne va bien dans ce monde, mais je continue à être foutrement heureuse », lance-t-elle avant de reprendre Gloria, la composition de Van Morrison pour son groupe Them, dont Patti Smith a fait son propre hymne depuis son enregistrement sur son premier album, Horses, en 1975. A l’écoute de ce Gloria, dont les lettres sont prononcées unes à unes dans le refrain (« G.L.O.R.I.A. ! ») passe fugitivement l’idée qu’un clin d’œil – d’oreille plutôt – aurait pu le transformer en « A.R.E.T.H.A. » pour celle qui elle-même épela « R.E.S.P.E.C.T. »

Patti Smith - Gloria (Audio)
Durée : 05:57

Il lui reste à nous exhorter, « jeunes et vieux, à faire quelque chose pour sauver notre air, notre eau, notre terre », en introduction à People Have the Power. Coécrit par Patti et Fred Smith, ce chant d’appel optimiste à réaliser individuellement nos rêves et à collectivement œuvrer pour un monde meilleur lui vaut une ­ultime acclamation à l’issue de ses soixante-quinze minutes de concert. Et de sa part, de nouveau, un sourire ravi.

Avant Patti Smith, la soirée du 18 août, veille de la clôture de La Route du rock, avait débuté par le mélange plaisant de country et de pop de Cut Worms et par celui de country et de rock de Josh T. Pearson – qui a à son répertoire de touchantes ballades, comme A Love Song (Set Me Straight), ­parfaitement interprétée. Jonathan Bree, comme son groupe (un bassiste, un batteur, deux ­inutiles danseuses), se présente le visage masqué. Une bande-son de cordes et de claviers accompagne la petite troupe, qui enchaîne des thèmes à la lassante monotonie. Après Patti Smith, en revanche, les fantaisies pop d’Ariel Pink auront eu un air de feu d’artifice.

Affiche du festival La Route du rock. / DR

La Route du rock, à Saint-Malo et Saint-Père, jusqu’au 19 août. www.laroutedurock.com