Des dizaines d’opposants ont été arrêtés par la police en marge des manifestations contestant l’élection d’Emmerson Mnangagwa le 30 juillet. / PHILIMON BULAWAYO / REUTERS

La capitale du Zimbabwe est placée sous haute surveillance par les forces de sécurité alors que la Cour constitutionnelle doit examiner, mercredi 22 août, une requête de l’opposition visant à faire annuler, pour fraude, l’élection à la présidence d’Emmerson Mnangagwa, un recours qui semble avoir peu de chance d’aboutir.

Le Mouvement pour un changement démocratique (MDC) accuse la ZANU-PF, le parti au pouvoir depuis l’indépendance du pays en 1980, d’avoir truqué le scrutin du 30 juillet, le premier depuis la chute de Robert Mugabe il y a huit mois. Installé à la tête du pays en novembre par l’armée et la ZANU-PF, Emmerson Mnangagwa l’a officiellement emporté avec 50,8 % des suffrages et évité de peu un second tour face à son rival du MDC, Nelson Chamisa, crédité de 44,3 % des voix.

« Nous avons un dossier solide et nous allons invalider cette fraude électorale, a affirmé Nelson M. Chamisa. Nous allons défendre votre choix, notre choix, le choix du peuple. Nous sommes certains de remporter la victoire. » « J’ai gagné ce procès avant même qu’il ne commence », lui a répondu à distance, le week-end dernier, le chef de l’Etat. « Ce scrutin a été jugé libre et honnête, a-t-il poursuivi. Pourquoi voulez-vous que je perde ? »

Cet ancien proche de Robert Mugabe a promis de tourner le dos à son régime autoritaire et corrompu et de relancer l’économie d’un pays au bord de la faillite. De fait, la campagne électorale est apparue plus ouverte que lors des scrutins précédents, systématiquement entachés de violences et d’intimidations du pouvoir contre ses adversaires.

« Inégalité des chances »

Deux jours après le scrutin, une manifestation de l’opposition était toutefois durement réprimée dans les rues de Harare par la police, tuant six personnes. Des diplomates occidentaux avaient alors condamné un « usage excessif de la force ». 

Les observateurs internationaux ont pour la plupart accordé leur onction au déroulement du scrutin. Seuls ceux de l’Union européenne ont relevé une « inégalité des chances » entre le sortant et ses rivaux, notamment en matière d’accès aux médias.

Un des avocats de la ZANU-PF a balayé toutes les critiques. « Comme il est impossible de ranimer un cheval mort, il n’y a aucune chance que le meilleur avocat du monde gagne un procès avec un dossier vide, a raillé Patrick Chinamasa. Je demande à tous ceux qui ont voté Chamisa d’accepter avec dignité leur défaite pour que le pays puisse aller de l’avant. »

L’audience prévue mercredi sera diffusée en direct par la télévision publique zimbabwéenne. Les neuf juges de la plus haute instance juridique du pays doivent rendre leur verdict d’ici à vendredi. A en croire les experts, il y a peu de chance pour qu’ils se rangent aux arguments de l’opposition. « Leur verdict est éminemment prévisible, il n’y a absolument aucune chance pour qu’ils invalident les résultats de l’élection », a pronostiqué Derek Matyszak, expert juridique à l’université du Zimbabwe, pour qui « la justice est considérée comme partisane ».

La Cour peut confirmer les résultats, les invalider et appeler à un nouveau scrutin ou ordonner un recomptage des voix. La requête du MDC a déjà provoqué le report de la cérémonie d’investiture du président Mnangagwa, initialement prévue le 12 août. Si la Cour confirme sa victoire, elle doit se tenir dans les quarante-huit heures qui suivent sa décision.