Il n’en finit plus de se faire remarquer. José Mourinho, l’entraîneur de Manchester United, a fait de la polémique sa marque de fabrique depuis qu’il a conquis l’Europe du football au début des années 2000. Et ces dernières semaines ne dérogent pas à la règle. Fin juillet, il s’en est pris à ses dirigeants, fustigeant le manque de renforts malgré ses demandes répétées : « Il y a quelques mois ; j’ai transmis une liste de cinq joueurs. Je ne commence pas le championnat avec l’équipe souhaitée. »

Ajouter à cela les critiques acerbes sur « le manque de classe » du grand rival Manchester City et reviennent à l’esprit le souvenir de sa dernière année chaotique au Real Madrid et ses attaques répétées envers le FC Barcelone.

José Mourinho s'en prend à ses dirigeants sur la gestion du mercato / Reuters

Efficace à son arrivée, la gestion humaine du Portugais s’essouffle avec le temps. A l’aube de ses troisièmes saisons en club, le « Special One » comme il s’est lui-même surnommé à son arrivée à Chelsea en 2004, ne parvient plus à fédérer ses joueurs autour d’une cause commune.

L’univers clos qu’il met en place, sa volonté de contrôle total et cette tendance à la victimisation finissent par se retourner contre lui. Retour sur les expériences du « Mou » à Porto, Chelsea, Milan et Madrid où les nombreux trophées remportés en peu de temps par celui qui a fait de la psychologie une arme footballistique, cachent les bouleversements que provoquent ses passages.

FC Porto (2002-2004)

José Mourinho accomplit, en ce début de siècle, l’un des plus grands exploits du football européen. Il remporte, en 2004, avec le FC Porto, la Ligue des champions en éliminant notamment Manchester United, match durant lequel sa course effrénée pour fêter le but décisif, est restée dans les mémoires.

Mourinho's touch-line gallop after Porto winner (2004)
Durée : 01:11

Le mythe Mourinho est né. Et l’homme est pressé. Quelques heures après sa victoire en Ligue des champions, il est à Londres pour signer avec Chelsea, club ambitieux qui vient d’être racheté par un milliardaire russe, Roman Abramovitch.

Les adieux de Mourinho au FC Porto auraient pu être couronnés d’une cérémonie au stade du Dragão et de quelques coupes de champagne partagées avec les supporteurs. Mais ce genre de cérémonie n’intéresse pas José Mourinho. Il abandonne les siens le soir même du sacre pour préparer son avenir.

Deux ans et demi dans le championnat portugais auront suffi au jeune entraîneur. Mais en quittant le club qui l’a fait roi, Mourinho le dépouille de ses meilleurs joueurs, de Paulo Fereira à Maniche en passant par Ricardo Carvalho. Dans ses valises pour Londres, il emmène aussi l’entraîneur des gardiens et son adjoint. Après lui, le néant.

Chelsea (2004-2007)

Les deux premières années de José Mourinho à la tête de Chelsea ressemblent à un conte de fée. Fascinant l’Angleterre par son discours et par sa méthode, il remporte deux titres de champion. Elu deux fois manageur de l’année, rien ne semble pouvoir l’arrêter. Le show Mourinho insuffle un vent de fraîcheur.

Jose Mourinho's Greatest Ever Quotes
Durée : 03:22

Mais la troisième saison est celle de trop. Les tensions se multiplient avec le propriétaire du club. Son discours s’enraye et sa volonté de contrôle inquiète le club. A la recherche de soutien parmi les joueurs, le « Special One » divise le vestiaire, et Chelsea perd de sa superbe.

Loin de paniquer, il déclare : « Si le club décide de me virer parce que les résultats sont mauvais, cela fait partie du jeu. Dans ce cas, avec les indemnités, je serai millionnaire. Et je trouverai un club dans les deux mois. » Pourtant, pour la première fois de sa carrière, José Mourinho est viré au début de sa quatrième saison.

Inter Milan (2008-2010)

Quelques minutes après avoir remporté la Ligue des champions avec l’Inter Milan en 2010, José Mourinho fait comprendre qu’il est déjà passé à autre chose. « Je suis un entraîneur qui a gagné la Ligue des champions avec deux clubs différents. Mais je veux aussi être le premier à le faire avec trois clubs. Je ne m’arrête pas. L’Inter m’a donné beaucoup, mais moi, en retour, j’ai aussi tout donné et c’est pour ça que je me sens libre de prendre le choix que je désire. »

Interview with Jose Mourinho after the Champions League 09/10 final match
Durée : 02:49

Comme un air de Porto, Mourinho évoque dans la presse son avenir une semaine avant la finale de la Ligue des champions, au grand désarroi du président de l’Inter Milan, Massimo Moratti : « Il n’y a jamais eu de dialogue direct, pas même une tentative de me faire comprendre directement la chose. (…) C’était à moi de comprendre et de ne pas m’énerver, car on tenait trop à ce que la saison se termine bien » déclare-t-il quelques jours après la victoire en Ligue des Champions. Ajoutant même : « Mourinho est plus attiré par l’argent que par le défi. » Jamais Mourinho n’a souhaité faire une troisième année à l’Inter.

Mourinho's best moments in Inter
Durée : 06:00

Real Madrid (2010-2013)

Habitué à mettre une pression énorme sur ses joueurs et à électriser les relations entre son club et les parties adverses, le style Mourinho va atteindre une nouvelle dimension lors de son passage à Madrid. S’il permet au Real de remporter la Liga en 2012 et de briser l’hégémonie de Barcelone, ses accusations répétées sur la connivence entre l’UEFA et le Barça et ses mauvaises relations avec Cristiano Ronaldo et l’icône Iker Casillas, qu’il écarte sans ménagement, rendent sa troisième année au Real pénible. Il ne remporte aucun trophée.

Parti en croisade contre la presse et les arbitres, il rythme la Liga de polémiques. Cette façon de détourner les regards, d’allumer des contre-feux et de trouver des responsables extérieurs aux résultats décevants mine la maison tranquille et sereine qu’est le Real.

Jose Mourinho's angry reaction to Real Madrid's Champions Le
Durée : 01:48

Chelsea (2013-2015)

Pour la première fois de sa carrière, José Mourinho retourne dans un club qui l’a fait roi. Accueilli en héros par des supporteurs qui ne l’ont jamais oublié, Mourinho leur offre un titre de champion en 2016, non sans déclencher de nouvelles polémiques. Cette pique envoyée à Samuel Etoo, alors qu’il se sait filmer par les caméras du Canal Football Club est révélatrice de sa méthode.

José Mourinho et l'âge de Samuel Eto'o | Canal Football Club
Durée : 00:16

La troisième année est encore celle de trop. Une longue agonie, même, pour celui qui se bat d’ordinaire chaque année pour le titre et qui lors de la première partie de la saison 2015-2016 doit lutter pour que Chelsea ne sombre pas dans la zone de relégation. Dès la première journée, les difficultés se font sentir. L’affaire Carneiro, du nom de cette médecin entrée sur la pelouse pour soigner Eden Hazard sans l’autorisation du coach et virée par la suite, divise le club en interne.

Pour se protéger des mauvais résultats, Mourinho évoque une campagne menée contre Chelsea par la presse et une conspiration arbitrale. En décembre 2015, il est licencié alors que les Blues sont 16es. Quelques jours auparavant, il déclarait : « S’ils me virent, ils virent le meilleur entraîneur de leur histoire. »

Le refrain semble se répéter à chaque fois : Après deux ans de succès vient l’année des polémiques qui précipitent sa chute. La défaite de Manchester United face à Brighton lors de la deuxième journée de Premier League a fait ressurgir le spectre de l’année de trop. Le rendez-vous face à Tottenham ce week-end s’avère déjà décisif pour un « Special One » en danger.

José Mourinho enlace Eden Hazard après un match de Premier League / Getty images