Donald Trump à la tribune d’un meeting « Make America Great Again » à Charleston (Virginie-Occidentale), le 21 août. / LEAH MILLIS / REUTERS

Ils avaient été, l’un comme l’autre, des acteurs centraux de la campagne présidentielle victorieuse de Donald Trump. Mais Michael Cohen et Paul Manafort ont été la cause, mardi 21 août, d’une journée particulièrement éprouvante pour le président des Etats-Unis, volontairement pour le premier, à son corps défendant pour le second.

Michael Cohen a en effet impliqué Donald Trump dans ce qui peut constituer un crime fédéral : la violation des règles encadrant le financement des campagnes électorales. La culpabilité de Paul Manafort pour, notamment, des faits de fraude bancaire et de fraude fiscale établie par un jury populaire de Virginie a donné de son côté une consistance supplémentaire à l’enquête du procureur spécial Robert Mueller, invariablement stigmatisée comme une « chasse aux sorcières » dénuée de fondement par le président des Etats-Unis.

Un mauvais jour, donc, pour un Donald Trump toujours prompt à vanter sa capacité à s’entourer des « meilleurs ».

Longtemps conseil du magnat de l’immobilier avant que ce dernier entre en politique, l’avocat Michael Cohen a décidé de plaider coupable, mardi, dans une série de dossiers qui concernent des faits de fraude fiscale et de fraude bancaire, outre celui qui renvoie au financement de campagne. Une décision qui doit lui permettre d’espérer des peines plus légères alors qu’il risque entre trois et cinq ans de prison.

Transactions secrètes

La Maison Blanche escomptait sans doute que la justice se focalise sur des faits qui concernent des activités annexes à ses fonctions d’avocat, à commencer par son rôle à la tête d’une petite compagnie de taxis. Mais le juriste, qui assurait naguère être prêt à « prendre une balle » pour protéger son client, a surpris tout le monde en assurant sous serment en milieu d’après-midi, à New York, avoir versé des milliers de dollars pour acheter le silence de deux femmes assurant avoir eu, par le passé, des relations extraconjugales avec le magnat de l’immobilier « à la demande du candidat » et « avec l’intention d’influencer l’élection » de 2016.

« Si ces versements constituent un crime pour Michael Cohen, pourquoi ne constitueraient-ils pas un crime pour Donald Trump ? », s’est interrogé l’avocat de l’ancien bras droit, Lanny Davis, dans un communiqué.

L’ex-avocat de Donald Trump, Michael Cohen, à sa sortie du tribunal fédéral de Manhattan, à New York, le 21 août. / MIKE SEGAR / REUTERS

Les sommes déboursées renvoient à une ancienne actrice pornographique, Stephanie Clifford (« Stormy Daniels ») ainsi qu’à une ancienne modèle du magazine Playboy, Karen McDougal. L’une et l’autre auraient reçu respectivement 130 000 dollars (112 000 euros) et 150 000 dollars en échange de leur discrétion à quelques semaines seulement du scrutin.

Ces transactions avaient été tenues initialement secrètes alors qu’elles auraient dû apparaître compte tenu de leur lien avec la campagne présidentielle. Acculé, Michael Cohen avait fini par reconnaître son intervention, ajoutant que l’argent versé lui aurait été remboursé par le magnat de l’immobilier, ce que ce dernier a confirmé en mai après avoir tenté de plaider l’ignorance.

Donald Trump cherche à prendre ses distances

Le coup porté par Michael Cohen a coïncidé avec la condamnation du deuxième directeur de campagne de Donald Trump. Paul Manafort avait été contraint de quitter ses fonctions en août 2016 après des révélations concernant la rétribution de ses activités de lobbyiste pour l’ancien président prorusse d’Ukraine, Viktor Ianoukovitch.

Jugé à Alexandria, une ville de Virginie située dans la banlieue de Washington, ce dernier a été reconnu coupable par un jury populaire pour huit actes d’accusation (dont la fraude fiscale et bancaire) sur un total de dix-huit.

La décision a été rendue après quatre longs jours de délibérations qui avaient alimenté à la Maison Blanche l’espoir d’un acquittement ou d’une incapacité des jurés à s’entendre sur un verdict. Bien que partielle, la décision rendue mardi est un coup dur pour Paul Manafort, qui encourt une peine maximum de 80 ans de prison, comme pour Donald Trump puisqu’elle rend légitimes les investigations du procureur spécial Robert Mueller, qui ont mis au jour les manipulations de l’ancien lobbyiste.

Arrivé en milieu d’après-midi en Virginie-Occidentale à l’occasion d’un meeting politique dans la perspective des élections de mi-mandat prévues en novembre, le président des Etats-Unis s’est efforcé de prendre ses distances avec une condamnation qui renvoie selon lui à des faits sans lien avec la campagne présidentielle de 2016. « Très triste », selon ses dires, Donald Trump s’est efforcé de ménager son ancien directeur de campagne, présenté comme « un homme bien », tout en assurant que le jugement ne le « concerne pas ». Paul Manafort va devoir affronter en outre un second procès en septembre.

Attentisme de nombreux élus républicains

Le président des Etats-Unis a répété une nouvelle fois mardi que rien ne venait étayer jusqu’à présent les soupçons de collusion avec la Russie, que le renseignement américain juge responsable de piratages informatiques visant à affaiblir son adversaire démocrate, Hillary Clinton. Donald Trump a en revanche évité de répondre aux questions qui lui étaient posées à propos de Michael Cohen.

L’un des avocats actuels du président, Rudy Giuliani, a répliqué dans un communiqué à sa mise en cause par son ancien bras droit en assurant qu’« il n’y a aucune allégation d’actes répréhensibles contre le président dans les accusations du gouvernement contre M. Cohen ». Rudy Giuliani s’est appuyé sur les propos sévères du procureur chargé du dossier en mettant en cause « les mensonges » et « la malhonnêteté » de Michael Cohen.

Il reste à savoir si cette ligne de défense permettra de dissiper le trouble alors que Donald Trump reste sous la menace des investigations de Robert Mueller concernant cette hypothèse de collusion comme l’éventualité d’une obstruction à la justice qui pourrait être reprochée au président des Etats-Unis, en lien avec l’enquête « russe ».

Le début de contre-offensive de la Maison Blanche a tranché, mardi, avec l’attentisme de nombreux élus républicains résumé par le sénateur Lindsay Graham. « Chaque fois que votre avocat est reconnu coupable de quelque chose, ce n’est probablement pas une bonne journée », a commenté, laconique, l’élu de Caroline du Sud.

Au même moment, en Virginie-Occidentale, la base électorale du président tentait de conjurer le mauvais sort en entonnant le refrain de la campagne de 2016 visant Hillary Clinton, « enfermez-la ! » Manifestement sans prendre conscience que cette menace d’incarcération est devenue mardi très concrète pour deux anciens proches du président.